Sécurité

Muyinga : Les jours passent et les meurtres s’accumulent dans l’indifférence des autorités

Publié le 12 août 2021 par Rédaction

Au moins cinq personnes ont trouvé la mort ces deux dernières semaines en province de Muyinga dans les communes de Giteranyi, Mwakiro et Muyinga. Trois parmi les cadavres étaient suspendus sur des cordes. Des cas que les autorités administratives qualifient de suicides, au moment où leurs proches parlent d’assassinats planifiés.

Le dernier cas en date est celui de Juvénal Niyomwungere, 20 ans, retrouvé mort le lundi 9 août, pendu sur un arbre tout près de son domicile, sur la colline Kayenzi, zone Cumba, commune Muyinga.

Le même jour, quelques heures auparavant, un autre corps sans vie d’un certain Régis Ndereyimana de la colline Ntobwe en zone et commune Mwakiro a été découvert, lui aussi pendu sur un arbre, tout près de la latrine de la maison familiale.

Même scène avec un sexagénaire du nom de Miburo Jonathan, célibataire, résidant sur la colline Cibare en commune et province Muyinga, retrouvé également pendu sur une corde dans la maison de son grand frère, le dimanche 8 août.

Contactées par la radio Inzamba, des sources proches de l’administration des communes Mwakiro et Muyinga parlent de suicide. Ce que réfutent les familles des défunts qui soupçonnent des assassinats.

Une semaine avant, c’est le corps sans vie d’une jeune fille en état de décomposition qui avait été découvert le lundi 2 août dans le ruisseau appelé Ndurumu, du marais de Nakiyange, séparant les communes de Giteranyi de la province Muyinga et celle de Bwambarangwe de la province Kirundo. Claudine Irankunda, 20 ans, qui résidait sur la colline Mangoma en commune Giteranyi, était partie le 28 juillet dernier pour irriguer une rizière se trouvant dans ledit marais. Elle n’est jamais revenue.

La veille, dimanche 1er août, le cadavre d’un homme de 25 ans a été découvert tout près de  l’ECOFO Mangoma, sous-colline Katiro, colline Mangoma en zone Mugano de la commune  Giteranyi. Noël Nibigira, conducteur de taxi-moto, serait tombé, samedi 31 juillet, dans une embuscade tendue par des malfaiteurs quand il rentrait de la commune Bwambarangwe en province de Kirundo, où il venait de déposer un client.

Cinq corps sans vie en deux semaines, aucune déclaration des autorités provinciales. Une situation qui interroge et inquiète.

« L’inertie de l’administration est la preuve de son incompétence », dixit Frédéric Bamvuginyumvira

Frédéric Bamvuginyumvira, ancien vice-président du Burundi ©RFI

Les découvertes macabres devenues presque quotidiennes en province Muyinga suscitent l’indignation des défenseurs des droits de l’homme et de l’opposition. C’est le cas de Frédéric Bamvuginyumvira, ancien vice-président de la République et natif de cette province. Il estime que l’administration est incapable de faire son travail. « La criminalité monte d’un cran aujourd’hui et on ne peut s’empêcher de se poser la question : pourquoi ? Ce qui nous mène à plusieurs réponses. La première hypothèse, lorsque sur le terrain, des gens sont tués et que ni l’administration ni la justice ne dresse aucun rapport, parce qu’en principe lorsqu’une personne est tuée, il y a le ministère public qui doit intervenir pour rechercher et condamner les criminels, mais ce n’est pas le cas, si donc rien n’est fait, c’est-à-dire que l’administration de la base au sommet est incompétente. Ce sont des personnes incompétentes qui ne comprennent pas leur mission », juge Frédéric Bamvuginyumvira.

Le déroulement des dernières élections hante toujours l’esprit du natif de Muyinga, qui ne s’empêche pas alors de faire un rapprochement entre ces meurtres d’aujourd’hui et ce qui s’est passé en 2020. Et pour lui, le pouvoir a intérêt à s’en démarquer, au risque d’être poursuivi pour ces crimes.

« La deuxième hypothèse qu’il faut approfondir : si les autorités laissent de tels crimes se perpétrer sur le terrain, l’on peut penser que ces mêmes autorités sont derrière cela. Pourquoi ? Ils sont en train de préparer les prochaines élections, et dans l’entretemps, ils doivent préparer le terrain, pour qu’il n’y ait plus des gens de l’opposition, comme ce fut le cas en 2020. Petit à petit, ils sont en train d’écarter les obstacles, en traquant la population pour qu’elle soit envahie par la peur », assène l’ancien vice-président de la République.

« L’autorité doit prouver qu’elle est compétente et qu’elle n’est pas impliquée dans ces crimes. Sinon, qu’elle s’apprête à être jugée tôt ou tard », prévient-il.

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