Justice

Police : le mensonge institutionnalisé

A qui profitent les mensonges du porte-parole du ministère de la Sécurité, Pierre Nkurikiye ? En tout cas pas à ses victimes. Et elles se comptent aujourd’hui par centaines, voire par milliers. La dernière en date étant Christa Kaneza, veuve de Thierry Kubwimana, assassiné dans la nuit du 24 au 25 novembre 2020.

Publié le 21 janvier 2021 par Rédaction

 

C’est sans sourciller que mercredi 20 janvier 2021, Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la Sécurité, a présenté devant la presse trois personnes qu’il a dit, sans aucune nuance, avoir tué Thierry Kubwimana. Parmi elles, menottée au milieu de ses deux coaccusés, Christa Kaneza, la veuve du défunt assassiné à son domicile à Gasekebuye, au sud-est de la mairie de Bujumbura. Christa Kaneza avait été arrêtée la veille mardi. Et, avec son assurance habituelle, Pierre Nkurikiye a parlé, pendant plus de six minutes, de l’implication de la veuve dans l’assassinat de son mari. « Dans la nuit du 24 au 25 novembre l’année passée, vers 01h30, un crime odieux a été commis. C’est une femme qui a éliminé son mari, en complicité avec trois criminels venus de l’extérieur ». Et, pour justifier son accusation, il a dit : « Plusieurs indices montrent le rôle de cette femme comme instigatrice du crime, auteure même », sans citer les éléments en question.

Des accusations gratuites

Pour Pacifique Nininahazwe, initiateur du programme NDONDEZA, qui mène des enquêtes sur les disparitions forcées au Burundi, le porte-parole du ministère de la Sécurité a fait du mensonge son mode opératoire. Cet activiste des droits de l’homme, également diplômé en droit, indique que la constitution burundaise accorde la présomption d’innocence à toute personne dont la culpabilité n’a pas encore été prouvée. « Les propos tenus mercredi par le porte-parole du ministère de la Sécurité, Pierre Nkurikiye, sont extrêmement graves. C’est une terrible humiliation pour Madame Christa Kaneza qui a notamment été accusée d’avoir collaboré avec les assassins de son mari Thierry Kubwimana», a condamné Pacifique Nininahazwe. Précisant ensuite : « Je voudrais rappeler que ces propos violent la Constitution du Burundi qui garantit la présomption d’innocence chaque fois que des citoyens soupçonnés d’avoir commis un crime, ne sont pas encore condamnés par la justice ». Selon lui, « Ces propos sont gratuits, car il n’a fourni aucune preuve des accusations qu’il a proférées à l’endroit de Christa Kaneza ».

Pierre Nkurukiye, multirécidiviste dans le mensonge

C’est un habitué de ce type de langage, comme l’a signalé Pacifique Nininahazwe, qui dit qu’il n’en est pas à son premier coup. « Un autre exemple qui est récent, parmi beaucoup d’autres cas qui concernent Pierre Nkurikiye, le 18 octobre 2018, il a présenté trois personnes devant la presse, accusées d’avoir tenté d’assassiner deux députés du CNDD-FDD et de vouloir assassiner le Chef de l’Etat et d’autres hautes personnalités de l’Etat, en complicité avec le député Pierre Célestin Ndikumana, qui était alors président du groupe parlementaire de l’opposition Amizero y’Abarundi. Mais tout récemment, deux des trois accusés – dont un qui avait d’ailleurs pris la parole ce jour-là pour confirmer les propos de Pierre Nkurikiye – ont été présentés devant les juges et ils ont réfuté tout ce qu’ils avaient déclaré devant la presse, en disant qu’ils avaient fait cela parce qu’ils avaient été torturés », a démontré Pacifique Nininahazwe qui prévient Pierre Nkurikiye que tous ces mensonges pourraient pourraient un jour se retourner contre lui.

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