Les anciens bâtiments de la RPA et de la Télévision Renaissance ne sont toujours que ruines six ans après leur destruction le 14 mai 2015. Les riverains réclament leur réhabilitation. De leur côté, les responsables de ces médias espèrent qu’un jour justice sera faite.
Dès l’entrée des anciennes enceintes de la Radio Publique Africaine et de la Télévision Renaissance, l’on constate immédiatement des milliers d’impacts de balles sur les murs et des restes des portes et fenêtres fracassées par des explosions de grenades lancées au moment de la violente attaque du 14 mai 2015. Une particularité pour la RPA, ce sont des objets calcinés qui témoignent des tirs à l’arme lourde utilisée par les auteurs de cette attaque. Les antennes et les émetteurs, seuls indicateurs que ces endroits abritaient dans le passé des organes de presse, se dressent toujours au-dessus des immeubles.
La seule présence de vie qui anime ces sinistres lieux sont des chiens et des chats errants. Les voisins et ceux qui exercent leur métier autour de ces bâtiments disent craindre d’être attaqués et mordus par ces bêtes qui pourraient leur transmettre la rage. « Nous craignons pour notre santé et notre vie. Nos enfants ne peuvent plus sortir seuls, de crainte d’être attaqués par ces animaux sauvages », témoigne un voisin des lieux.
Les riverains demandent au gouvernement la réouverture de ces médias ainsi que la restauration des bâtiments, ou, à défaut, d’autoriser à d’autres particuliers d’exploiter les sites pour résoudre la question d’insalubrité et les dangers qui vont avec. « Nous ne comprenons pas ce qu’en gagnent les autorités en laissant les bâtiments dans un tel état. Par ailleurs, le temps semble s’être arrêté ici depuis la destruction de ces médias. Leurs informations nous faisaient vibrer et vivre. Il faut qu’ils reprennent. Il y va de l’intérêt de nous tous », insiste un autre voisin.
Pour rappel, la Radio Publique Africaine (RPA) et la Radiotélévision Renaissance, ainsi que les radios Isanganiro et Bonesha ont été détruites après le putsch manqué du 13 mai 2015 contre l’ancien président feu Pierre Nkurunziza. C’était dans un contexte de tension politique extrême animée par les manifestations dans la ville de Bujumbura contre le 3e mandat de ce dernier, jugé inconstitutionnel et en violation de l’Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation des Burundais.
L’espoir demeure insubmersible chez les responsables des médias détruits
« Vous savez, nous avons affaire à un pouvoir qui veut s’éterniser au sommet de l’Etat, et pour y arriver, l’une des stratégies privilégiées est de faire taire toutes les voies critiques et mettre les gens dans la peur permanente. Ils ont détruit et fermé tous les médias indépendants, suspendu toutes les organisations libres de la société civile, fait fuir les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, etc., et ainsi s’assurer de pouvoir contrôler plus aisément l’opinion et le peuple », explique Bob Rugurika, directeur de la RPA, un des médias détruits.
Avec le temps, les langues se sont déliées sur ces actes de démolition des médias. Et il n’y a plus aucun secret sur cette affaire, selon Bob Rugurika : « Depuis la même année des événements en 2015, nous avons été informés sur les auteurs des actes horribles commis contre nos médias. Ce sont des agents de l’Etat qui ont agi sur ordre des plus hautes autorités. Nous le savons et le moment venu, nous le prouverons. Et puis, la poursuite et la condamnation des journalistes, ce n’est qu’une vaste blague. Mais c’est connu, dans les dictatures, la meilleure défense des bourreaux est de se transformer en victimes. Et cette voie n’aboutit pas dans la plupart des cas. Un jour, la vraie justice tranchera, et nous serons réhabilités », conclut, optimiste, le directeur de la RPA.