Le CNC est sommé par le président de la République de rencontrer au plus vite les responsables des médias qui ont été suspendus « pour trouver une solution à leur désaccord avec l’Etat pour l’intérêt du pays ».
Une pluie de compliments à l’endroit des médias ce jeudi 28 janvier 2021. Le président Evariste Ndayishimiye n’a en effet pas tari d’éloges lors de sa toute première rencontre avec les responsables des médias à Bujumbura. Le Chef de l’Etat a affirmé que les médias jouent un rôle primordial au développement du pays.
Le thème de la rencontre, « Jamais sans les médias », était déjà prémonitoire. Et, sans détours, Evariste Ndayishimiye a demandé aux professionnels des médias de contribuer à la culture démocratique et d’accompagner le gouvernement dans son programme pour l’épanouissement du pays : « Aujourd’hui, changeons tous, soyons tous des Burundais et travaillons main dans la main. Si nous n’avons pas d’information pour savoir où nous souffrons, que ferions-nous ? Mais si nous sommes unis, chacun fait ce qu’il doit faire. Vous qui avez opté d’être journalistes, faites votre travail pour que le pays aille dans la bonne voie. Pour que les choses marchent correctement, tu t’adresses aux autorités. Changeons donc tous pour le développement du pays. Relevons ensemble les richesses du pays que nous allons partager pour notre bien être à tous », a appelé le Chef de l’Etat.
Le président prône la réconciliation entre les médias et le pouvoir
Le président est conscient que cette rencontre est intervenue dans un contexte où certains médias sont suspendus ou objets d’autres formes de sanctions. Ainsi, Evariste Ndayishimiye a exhorté le Conseil national de la Communication d’initier des concertations avec ces médias pour résoudre les différends qui les opposent au gouvernement. « Je vous promets que même les conflits que nous avons eus dans le passé, nous allons les résoudre. Il y a des médias qui ont été sanctionnés. Je m’adresse au CNC, vous devez vous rencontrer rapidement pour trouver une solution à ce problème. Le passé, c’est le passé. On doit tous cheminer ensemble. Parce que nous sommes conscients que les médias jouent un rôle important dans la société », a-t-il ordonné.
Précisons que le président de la République a rencontré les responsables des médias locaux au moment où plus de cent journalistes sont en exil depuis 2015, une année marquée aussi par la destruction de certains médias indépendants et la chasse de leurs journalistes, certains ayant même été tués, d’autres portés disparus.
« Pourvu que les paroles soient suivies des faits », plaide l’UBJ, enthousiaste et, surtout, sceptique
Du côté des professionnels des médias, l’on salue les propos du Chef de l’Etat. A l’instar de l’Union burundaise des journalistes, UBJ, dont le président, Alexandre Niyungeko n’a pas tardé d’exprimer son sentiment d’espoir. « La déclaration du président de la République est bonne, ce serait effectivement une bonne chose que le CNC mène un dialogue avec les responsables des médias fermés pour l’ouverture de ces derniers », a-t-il salué. Mais l’enthousiasme a aussitôt cédé la place au réalisme. Et Alexandre Niyungeko de se poser la question : « Mais est-ce que cet appel va aussi dans le sens de lever les mandats fantaisistes qui ont été émis contre certains responsables des médias et des journalistes ?» Le président de l’UBJ a également tenu à rappeler les conditions indispensables pour le bon exercice du métier : « Il ne faut pas non plus oublier que l’exercice de la profession et l’épanouissement des médias supposent un contexte démocratique ouvert, où les libertés individuelles sont respectées, où la liberté d’expression est garantie. Peut-on considérer que cette ouverture est une ouverture de tout l’espace politique et médiatique au Burundi ? Est-ce qu’on peut dire qu’aujourd’hui, le journaliste au Burundi est libre de traiter n’importe quel sujet sur la vie publique de ce pays sans qu’il craigne pour sa sécurité ? Que les médias soient libres de traiter des informations nationales sur ce qui marche, mais aussi et surtout ce qui ne marche pas, comme des cas de malversation économique, les violations des droits de l’homme ? Cette ouverture signifie-t-elle aussi laisser les organisations indépendantes de la société civile œuvrer en toute indépendance et en toute liberté ? Si tel n’est pas le cas, ce ne serait alors qu’un leurre. Pour s’en féliciter, cela exige beaucoup en termes d’avancées dans notre pays », a conclu le président de l’UBJ.