Politique

Une grâce présidentielle qui pourrait désengorger à moitié les prisons

Publié le 8 mars 2021 par Rédaction

Au total 5.255 prisonniers condamnés se trouvant dans 10 prisons vont bénéficier de la grâce présidentielle. Parmi les détenus concernés, il y a ceux qui purgent une peine ne dépassant pas cinq ans, les femmes enceintes ou allaitant des nourrissons et les détenus atteints de maladies incurables.

Cette grâce vise à favoriser la réconciliation et le désengorgement des prisons, selon le décret du 5 mars 2021.

Les bénéficiaires sont des prisonniers condamnés à des peines inférieures ou égales à 5 ans de prison. La décision du Chef de l’Etat concerne également les femmes qui sont enceintes ou ayant des enfants dans la prison, les mineurs condamnés et âgés de moins de 18 ans, les détenus atteints de maladies incurables et mentales, ainsi que ceux âgés de 70 ans et plus.

A ceux-là s’ajoutent ceux qui ont déjà purgé le quart de leur peine et qui bénéficient de la remise des peines de moitié. Sont également commuées en servitude pénale de 20 ans les peines à perpétuité excepté les condamnations pour les infractions qui ne sont pas concernées par ce décret. A titre exceptionnel, les condamnés qui ont déjà purgé les ¾ de leur peine, les femmes condamnées pour infanticide ou avortement ayant purgé au moins 3 ans de leur peine ainsi que les condamnés pour corruption, à condition d’avoir payé les montants détournés et les dommages et intérêts prononcés par la justice.

Les damnés

Ne sont pas concernés par cette grâce présidentielle : les condamnés pour des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, du vol à main armée, de la participation dans des bandes armées, de l’atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat, du viol, de la torture et du trafic des êtres humains. Le Burundi compte plus de 11.000 prisonniers dont plus de 6.000 condamnés, selon l’ONG Action chrétienne pour l’abolition de la torture, ACAT Burundi, qui relève aussi une surpopulation des structures pénitentiaires, avec un taux d’occupation dépassant 250%. A noter que la plupart de ces prisonniers sont des opposants politiques qui ne sont donc pas concernés par cette mesure de grâce, puisqu’ils sont poursuivis pour des crimes inamnistiables aux yeux du pouvoir.

Satisfaction mitigée de l’ONG ACAT Burundi

Avec le départ de près de la moitié de leurs locataires, les prisons vont certainement avoir une meilleure aération. Un fait dont se félicite l’organisation ACAT Burundi. Mais celle-ci dénonce néanmoins une justice à deux vitesses. « Nous constatons que les prisonniers poursuivis pour des infractions à caractère politique ne sont pas concernés par cette mesure de grâce », regrette Jean-Claude Ntiburumusi, chargé des questions juridiques à l’ACAT Burundi.

« Presque tous les détenus arrêtés pendant les manifestations qui ont débuté en avril 2015 et les arrestations des membres des partis de l’opposition qui ont suivi, ont été accusés à tort et à travers d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, de participations aux bandes armées, et j’en passe. Ainsi, le décret de grâce les exclut automatiquement si on se réfère à l’article premier dudit décret. Mais ça a toujours été le cas même sous le régime de feu Pierre Nkurunziza. Il s’agit encore une fois d’un traitement de deux-poids-deux-mesures, cette catégorie de prisonniers étant toujours délaissée », rappelle-t-il. Ainsi, pour l’ONG, cette discrimination ne peut en aucun cas « contribuer à l’apaisement et au retour d’un climat d’entente mutuelle entre les membres des partis politiques », conclut Me Jean-Claude Ntiburumusi.

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