Editorial
S’il y a un domaine où le président Evariste Ndayishimiye a excellé en 2021, ce sont bel et bien ses contradictions. Le Chef de l’Etat s’est tellement emmêlé les pieds qu’il faisait douter à d’aucuns de ses capacités à prendre des décisions. Evariste Ndayishimiye s’est tellement contredit, que jamais l’opposition, tant extérieure qu’intérieure, n’avait été aussi unanime pour se questionner si c’est réellement lui qui détient le pouvoir. De la gestion de la pandémie du Covid-19 aux droits de l’homme, en passant par la justice, le président n’a eu de cesse de dire et de faire des choses et leur contraire. Voici juste quelques exemples, dans ce premier éditorial de 2022 de la radio Inzamba Agateka Kawe.
Comment évoquer cette dualité intérieure de cet homme, qui fait même dire à certains, que c’est la première nature d’Evariste Ndayismiye, sans commencer par le sujet qui inquiète tant le monde : le Covid-19 ?
Que n’a-t-on pas vu, entendu en 2021, à propos de cette pandémie ? D’abord la rhétorique, du déjà entendu, que les Burundais sont protégés par Dieu, à commencer par lui-même, quand il a prétendu qu’il n’avait pas besoin de se faire vacciner, parce que son vaccin, c’est Dieu en personne. C’était au moment de se rendre à New York, pour l’Assemblée générale des Nations Unies. Dans ce même domaine, comment comprendre qu’il accepte l’entrée des vaccins, mais qu’en même temps, il refuse d’appeler les Burundais à se faire vacciner ! De même, comment peut-il faire lancer une campagne de vaccination, et qu’il n’appelle pas la population à y répondre pour son propre bien ! Et, bien sûr, cerise sur le gâteau : juste moins d’une semaine après avoir interdit les rassemblements publics, pour éviter la propagation du virus, le voilà qui organise une croisade de 5 jours de prières, avec des milliers de personnes qui y assistent chaque jour et, s’il vous plaît, sans respect d’aucune mesure barrière !
Sacré président !
La justice. Ah, la justice ! Ce domaine qui semble lui tenir tant à cœur. Qui ne l’a pas entendu ce fameux jour à Rumonge dans une salle pleine de magistrats où il les a traités de tous les noms, faisant entendre que la corruption y avait pratiquement été institutionnalisée, jusqu’à faire fuir les investisseurs les plus assidus ! Mais en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, du haut de la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, il loue une justice qui, à ses yeux, fait le plus beau travail ! Et pour le clap de fin, dans son discours à la Nation, le 31 décembre 2021, il rassure les Burundais qu’aujourd’hui, le domaine de la justice n’a jamais été aussi solide ! Que prendre ? Que laisser ?
Les faits ont laissé les observateurs abasourdis, pantois. Dans le jeu du « Je te jette et je te reprends », Evariste Ndayishimiye n’a pas de pareil. Combien de responsables de services a-t-il démis de leurs fonctions, avant de les rappeler pour des postes encore plus importants, et ce, dans le même domaine qu’ils exerçaient, avant de les chasser, parfois jusqu’à l’humiliation ? Certains parmi ceux qui l’ont côtoyé des décennies durant, et qui donc le connaissent mieux, ont dit alors d’Evariste Ndayishimiye, que c’est un homme qui ne sait pas être ferme dans ses décisions, que c’est un être friable, versatile, et qu’à ceci s’ajoute qu’il n’agirait pas de son propre gré, certains généraux ayant le pouvoir de lui faire changer d’avis quand ça leur chante.
Alors, président, ou pas président ?
Certes, l’homme ne s’est pas trop épanché sur les droits de l’homme, sauf pour dire qu’il n’y a pas de violations de ces droits, que ces violations sortent juste de l’imaginaire des ennemis de la nations, que donc le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le Burundi n’était pas nécessaire. Parmi ces violations tant alléguées, figurent en bonne place les disparitions forcées. Mais qu’est-ce que son gouvernement s’est investi pour dire que ces disparitions forcées ne sont que des mensonges ourdis par les défenseurs des droits de l’homme ! Et c’était, encore une fois, pour se dédire dans son discours à la Nation vendredi dernier, en avouant, certes à demi-mot, que ces disparitions forcées existent, pourtant il l’a quand même avoué ! Mais c’était ensuite pour les coller à des groupes terroristes qui, selon lui, opèrent dans le pays, et dont feraient partie certains agents de sécurité, coupables de ces crimes.
Qui a dit qu’une faute avouée est à moitié pardonnée ! Visiblement, Evariste Ndayishimiye n’a pas retenu la leçon.
Des contradictions, le Chef de l’Etat nous en a servi à revendre en 2021, et l’on ne saurait ici faire étalage de tout.
La question est maintenant de savoir si le président Ndayishimiye de 2021 sera le même en 2022 ! Naturellement, c’est loin d’être notre souhait. Nos vœux, c’est de le voir prendre conscience de la gravité de la pandémie du Covid-19, et de prendre les devants pour la lutte contre ce fléau qui endeuillent tant de familles ; c’est de le voir faire de la justice une justice équitable, indépendante, qui inspire confiance à tous les Burundais, où qu’ils se trouvent ; c’est de le voir agir avec la rigueur qu’il sied, pour asseoir une bonne gouvernance digne de ce nom ; c’est aussi de le voir être au premier rang de ceux qui prennent les droits des citoyens comme la priorité des priorités, qu’il faut coûte que coûte protéger.
2022 nous gratifiera-t-il d’un nouveau visage d’Evariste Ndayishimiye, enfin conscient de ses responsabilités d’un vrai Chef d’Etat ? Seul le temps nous le dira.