Comme s’ils se passaient le mot, des directeurs d’écoles à travers le pays rançonnent à tour de bras les parents et les enseignants – dans une moindre mesure certes -, qui pour ci, qui pour ça. Rien qu’en une semaine, la radio Inzamba vous a relaté des cas de Rumonge, Gitega, Karusi et Bujumbura-Mairie. Et là encore, il s’agit sans doute d’endroits où « les victimes » ont osé exprimer leur ras-le-bol. Et toujours le même stratagème, le directeur n’accorde la parole qu’à certains parents complices pour faire croire à une unanimité qui n’en est pas une. Illustration avec l’ECOFO Mutakura et réaction d’Eulalie Nibizi, activiste du droit à l’éducation, qui s’insurge contre ce qu’elle qualifie d’escroquerie.
Le point d’orgue a été atteint lors d’une réunion organisée le samedi 6 novembre dernier lorsque la direction de l’école fondamentale de Mutakura en mairie de Bujumbura a convoqué les parents dans le but de leur expliquer le plan de construction de classes en étage. Dans cette rencontre, Jean-Paul Bigirimana, le directeur de cet établissement, a exhorté les parents à accepter de se serrer la ceinture afin de réaliser ce plan de contribution pour une durée de quatre ans.
« J’aimerais vous inviter à participer à l’exécution de ce projet. Je sais qu’il y aura beaucoup d’obstacles, mais essayons de faire preuve de courage d’hommes, de garder le sang-froid et de travailler dur, cela nous aidera à aboutir à notre objectif. On peut demander à l’ingénieur de nous appuyer un jour et cela est possible. Evitons de nous sous-estimer, car même le président peut venir poser la première pierre », a motivé le directeur, dans un élément audio enregistré discrètement par un des participants à la rencontre.
Un des parents qui a répondu présent à cette réunion indique toutefois que les parents qui ont pris la parole sont des complices de ce directeur, qui tient absolument à accomplir son objectif de collecte des fonds sans entrave. L’homme, à qui on l’a refusé de prendre la parole au cours de la réunion, demande que la construction des classes se fasse sans mettre en péril les familles des parents qui ont de faibles revenus, parfois même sans.
« Il y a des parents qui ont levé le doigt pour demander la parole mais qui n’ont pas pu s’exprimer. Et nous nous sommes même levés pour montrer qu’il y a des parents qui n’ont pas eu le droit de parler, mais en vain. Nous avons constaté que cette réunion était un moyen planifié par la direction pour que les parents qui collaborent avec le directeur puissent lui permettre de sortir une note montrant que c’est une convention de tous. Nous nous insurgeons contre ce plan. Nos moyens sont infimes, et certains d’entre nous n’ont aucun revenu », s’est plaint le parent.
Et des parents d’élèves fréquentant cette ECOFO Mutakura d’expliquer qu’ils sont dans l’incapacité de trouver une telle contribution pour leurs enfants, et de demander au ministre de l’Education d’intervenir pour que cette décision soit suspendue.
« Il nous disait d’appuyer à la construction d’un étage mais nous en sommes incapables. A titre d’exemple, moi, pour avoir une somme de 10 mille francs burundais, je dois faire de véritables acrobaties et quand je parviens à les trouver, c’est pour acheter de quoi manger pour les enfants. Nous demandons au ministre de l’éducation de nous venir en aide pour suspendre cette mesure. Nous sommes fatigués de ce qui se passe à l’ECOFO Mutakura », s’insurge une dame, mère de deux élèves.
La radio Inzamba a tenté de joindre par téléphone Jean-Paul Bigirimana, directeur de l’ECOFO Mutakura, et François Havyarimana, le ministre de l’Education, mais sans succès.
« C’est une escroquerie ! », condamne Eulalie Nibizi, activiste du droit à l’éducation
Obliger des enseignants à cotiser pour la construction d’un stade, les parents à contribuer pour l’intéressement des enseignants vacataires, ou encore pour la construction de nouveaux locaux est une escroquerie de la part des responsables des écoles. Eulalie Nibizi, activiste du droit à l’éducation, invite ces parents et enseignants à porter plainte, parce que, selon elle, cet argent que ces directeurs leur exigent de payer n’est légalement prévu nulle part.
« C’est un acte de corruption et de vol contre une population qui est déjà suffisamment appauvrie. Les parents comme toute autre personne dans une telle situation ne devraient pas se contenter de grogner. Ils devraient plutôt écrire officiellement une plainte et accuser ces autorités qui demandent de l’argent. Parce que l’argent qui doit être utilisé dans une institution quelconque, et certainement dans les écoles, est prévu dans le budget de l’Etat qui est fixé par une loi. Alors, si la loi budgétaire est déjà votée, cela suppose que la direction scolaire doive respecter la loi budgétaire et utiliser les fonds alloués à son école. S’il constate une question d’urgence, qui normalement n’est pas une question de construction ou d’investir dans les infrastructures durables, c’est une question d’ordre social. Les cotisations à l’école ne peuvent être sollicitées que pour une urgence sociale, reconnue par les parents, les élèves et les professeurs et qui est donné par un groupe mis en place volontairement par les concernés. Dans le cas d’une infrastructure, dans le cas d’événements quelconques, il est strictement interdit de demander à la population scolaire de l’argent. C’est un vol organisé ! Ils doivent le dénoncer et ils doivent persister dans cette dénonciation », appelle Eulalie Nibizi, activiste du droit à l’éducation.