Les filles et les femmes burundaises qui sont recrutées pour aller travailler dans les ménages en Arabie Saoudite continuent de dénoncer des conditions inhumaines dans lesquelles elles vivent. Elles indiquent qu’elles peinent à dormir pendant la nuit. C’est une inquiétude aussi pour celles qui sont regroupées au quartier asiatique à Bujumbura en phase préparatoire pour être acheminées là-bas. Elles disent aussi subir des menaces d’être emprisonnées si elles osent abandonner le travail. Elles jettent le tort au gouvernement burundais qui n’assure pas le suivi. Les défenseurs des droits humains dénoncent une forme de traite humaine.
Celles qui sont déjà en Arabie Saoudite indiquent qu’elles sont dans la galère totale. Elles sont amassées et regroupées dans une salle. Elles se comptent à plus de deux mille. Comme l’indique une source sur place, elles dorment à même le sol. Le peu de couvertures disponibles servent de matelas et sont cédées aux plus fragiles.
« Quand tu as une chance d’avoir une couverture, c’est elle que tu étends par terre en lieu et place d’un matelas. Celles qui sont arrivées dimanche n’ont pas pu trouver de couvertures. Elles dorment par terre », témoigne l’une d’elles.
Mais elles disent galérer aussi pour trouver à manger, car elles ont peu de choix, juste entre une ration pratiquement réduite à rien, et encore moins d’eau à boire, et le fait de s’en acheter, chose presqu’impossible, étant donné qu’elles n’en ont pas les moyens.
Ces filles et femmes envoyées en Arabie Saoudite jettent le tort au gouvernement burundais qui s’est engagé, par une convention, de les y déployer, mais qui n’assure pas de suivi.
« Trouver de quoi mettre sous la dent relève du miracle. Nous ne mangeons pas. Ils nous ont dit de payer l’eau nous-mêmes, et on ne peut pas boire l’eau du robinet d’ici. Une fois que la nourriture est disponible, nous devons choisir soit le repas, soit l’eau. Vous comprenez que le paradis promis par le gouvernement n’était que mensonges. Ils nous ont menti pour qu’ils puissent bénéficier de l’argent des Arabes. A côté de crever de faim, à notre retour, nous finirons en prison pour avoir osé dénoncer ce calvaire », dénonce une autre fille dont la voix cache à peine sa peur.
Au même moment, un autre groupe de femmes et filles est rassemblé dans une maison au quartier asiatique pour s’envoler bientôt. Mais c’est la peur et l’inquiétude qui les rongent après avoir entendu les conditions dans lesquelles les autres sont accueillies. Et, raconte notre source, c’est impossible de se retirer car on risque la prison.
« Une fois que tu t’es engagée, tu ne peux plus faire marche arrière. Ils te retiennent pour, disent-ils, l’image du pays, donc pour ne pas passer pour des menteurs », indique la source.
Pour rappel, le gouvernement burundais, à travers le ministère des Relations extérieures, avait signé des conventions de déploiement de main-d’œuvre en 2021 avec l’Arabie Saoudite.
Au total, près d’un millier de filles et de femmes ont jusque-là été envoyées dans ce pays.
Les défenseurs des droits de l’homme parlent de trafic d’êtres humains
L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Burundi se dit préoccupée par les conditions inhumaines auxquelles sont soumises les filles burundaises envoyées prétendument pour aller travailler en Arabie Saoudite. Anitha Gateretse, coordinatrice de l’ACAT Burundi, demande au gouvernement de suivre de près la situation de ces filles.
« Le constat est que le gouvernement burundais a mis en avant ses intérêts au détriment du bien-être de ces filles, ce qui peut constituer un trafic humain. La Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants mentionne les droits des travailleurs qui quittent leurs pays pour aller trouver du travail dans d’autres pays. Ces travailleurs doivent avoir droit à un salaire suffisant, à de bonnes conditions d’hygiène, doivent avoir l’accès à l’alimentation, aux soins de santé, etc. De ce fait, le gouvernement du Burundi doit chercher par tous les moyens un service au sein de l’ambassade du Burundi en Arabie Saoudite pour suivre de près le sort de ces filles, résoudre les problèmes auxquels elles font face en temps utile. Comme le recrutement de ces filles continue au Burundi, celles-ci doivent avoir un contrat de travail qui tienne compte de leurs droits, et ces droits doivent être respectés. Sinon ce serait un trafic d’êtres humains qu’il faut dénoncer même auprès d’institutions internationales, comme l’Organisation internationale du travail, OIT, pour que ces deux pays, l’Arabie Saoudite et le Burundi, respectent les droits de ces filles », tranche Anitha Gateretse, coordinatrice de l’ACAT Burundi.
Photo Illustration : © Modern Ghana