Education

Evariste Ndayishimiye menace de révoquer de la Fonction publique des enseignants grévistes

Publié le 29 janvier 2022 par Rédaction

En voilà une mise en garde qui a le don d’être sans équivoque. Le président Evariste Ndayishimiye a menacé les enseignants réunis au sein de la Coalition Spéciale des Syndicats des Enseignants pour la Solidarité Nationale COSSESONA, qui avaient sorti un préavis de grève pour contraindre le ministère de l’Education à suspendre le test de niveau pour les enseignants de l’école fondamentale. Eh bien, pour le Chef de l’Etat, si ces enseignants entrent en grève, ils seront purement et simplement révoqués de la Fonction publique. Il l’a dit lors d’une prière interconfessionnelle organisée par le parti CNDD-FDD.

Le président de la république du Burundi Evariste Ndayishimiye a dit que c’est connu du commun des mortels que les enseignants ont lancé un préavis de grève. Il a par la suite proféré des menaces contre les enseignants, que ce sont eux-mêmes qui subiront les conséquences de ce mouvement de grève, y compris la perte du droit à leurs salaires.

« Tout le monde sait que les enseignants de l’école fondamentale ont lancé un préavis de grève. Je sais que parmi ceux qui vont grever, il y a ceux qui sont ici. Je ne peux pas vous empêcher de grever. Le métier d’enseignant n’est pas une obligation. Vous pouvez l’abandonner à partir d’aujourd’hui et vaquer à d’autres activités comme l’élevage de porcs ou de volaille, personne ne vous poursuivra. Avant, vous n’étiez pas informés de ce que c’est l’Etat. Aujourd’hui je vous dis chaque fois que l’Etat, c’est la Nation avec ses citoyens qui sont estimés à douze millions. Vous devez rendre des comptes. Pour quelle raison n’allez-vous pas enseigner ces enfants ? Je vous dis la vérité, ils vont vous gifler. Les citoyens sont vos patrons. Vous ne pouvez pas grever et circuler librement jusque dans des bistrots. Vos salaires devront d’abord être suspendus».

Evariste Ndayishimiye a martelé que les enseignants qui vont aller en grève seront tous révoqués de la fonction publique et qu’ils seront remplacés par les jeunes en chômage. Il a en outre précisé que former quelqu’un pour devenir un bon enseignant ne prendra que trois mois.

« Si vous vous absentez, vous serez remplacés. Ensuite, allez prendre les armes et venez nous combattre, nous les citoyens ! Je sais que vous serez toujours perdants devant les citoyens estimés à douze millions, vous ne pourrez pas les vaincre. Les enseignants, vous êtes à combien au Burundi pour pouvoir remporter cette bataille ? Les formations de recyclage datent de longtemps. Quand ils ont su que nous voulons réellement voir ceux qui sont incompétents, ils menacent de grever, eh bien, qu’ils le fassent. Nous avons une jeunesse en chômage et en grand nombre. C’est à eux que nous doterons ces compétences d’enseignants, leur formation ne dépassera pas trois mois. Celui qui va par exemple enseigner en deuxième année, nous allons lui donner une formation spécifique et je suis sûr qu’il en sera capable au bout de trois mois. Des gens peuvent devenir fainéants jusqu’à refuser d’être dotés des compétences pour pouvoir servir le pays ? »

Le président de la république a proféré ces menaces à l’endroit des enseignants alors que le Conseil national du dialogue social (CNDS) et les enseignants avaient déjà conclu un accord pour la suspension du test par le ministère de l’Education, d’une part, et la suspension du préavis de grève par les enseignants, d’autre part.

« C’est dangereux pour la sécurité des enseignants et des enfants », craint Eulalie Nibizi, ancienne vice-présidente du CNDS

Eulalie Nibizi, ancienne vice-présidente du CNDS

Les propos du président de la République auront de lourdes conséquences, estime Eulalie Nibizi, ancienne vice-présidente du Conseil national du dialogue social.

« C’est une menace qui peut avoir de graves conséquences sur le dialogue en cours entre le gouvernement et les syndicats des enseignants de l’école fondamentale. Mais c’est aussi une menace qui peut être revue, car le discours peut changer. Il est vrai que le discours contenait beaucoup de menaces contre la profession enseignante elle-même, contre la sécurité des enseignants, mais aussi et surtout contre la sécurité des enfants et la paix sociale dans le milieu scolaire. On ne peut pas menacer de renvoyer immédiatement les enseignants parce qu’ils vont en grève ! Ce n’est pas comme ça que les choses doivent se gérer. Parce qu’il y a quand même des ministères de tutelle, il y a des institutions qui sont chargées de gérer toutes les questions en rapport avec l’enseignement. Et puis, on n’en est plus au préavis de grève. Le Conseil national de dialogue social qui est régi par la Charte nationale du dialogue social est un organe bien habilité, bien reconnu par le gouvernement, reconnu par les travailleurs et les employeurs, et a toutes les compétences et la bonne volonté de gérer ce problème. Je conseillerai qu’il laisse chaque institution gérer les dossiers qui sont sous ses mains. La loi autorise la grève. Quand il y a un conflit entre les employés et les employeurs ou le gouvernement, les syndicats ont le droit de décréter grève. Et le gouvernement doit s’interdire d’utiliser toute forme de menace pour forcer les travailleurs à abandonner ce mode de pression. Nous gardons espoir que le président de la République va analyser à tête reposée les textes de référence pour les syndicats et qu’il va saisir les organes chargés de gérer les conflits et donner des instructions qui sont contraire à sa déclaration ».

« Le président a dépassé les limites », s’indigne Frédéric Bamvuginyumvira, ancien Vice-président de la République

Frédéric Bamvuginyumvira n’y va pas par le dos de la cuillère.

« Si l’on devait évaluer le travail de chacun, à commencer par le président de la République lui-même, je ne sais pas qui le ferait, mais en tout cas, il n’aurait pas ce qu’il prétend avoir. Pour moi, du Chef de l’Etat au petit fonctionnaire, ils sont tous là pour le peuple. Par conséquent, il y a des lois qui doivent être suivies pour qu’il y ait un contrôle de chacun. Malheureusement, on voit qu’au niveau de l’exécutif, au niveau du législatif, au niveau du judiciaire, comme il le décriait lui-même, il n’y a plus de mécanismes pour contrôler essentiellement le fonctionnement des hauts fonctionnaires de l’Etat. Au lieu de blâmer et menacer les pauvres enseignants de l’ECOFO, la question qui se pose, se pose essentiellement au sommet de l’Etat et non pas au niveau des enseignants. Les choses ne marchent pas justement parce que le sommet ne marche pas ! J’en veux pour preuve ce genre de discours ? A qui s’adressait-il ? S’il s’adressait aux enseignants, pourquoi s’adresser aux autres, au lieu de s’adresser directement aux enseignants ? J’ai vu des gens qui portaient la tenue du parti au pouvoir, et je ne crois pas qu’il y aurait eu des enseignants de l’ECOFO qui seraient venus avec cette tenue ».

Frédéric Bamvuginyumvira, ancien Vice-président de la République du Burundi

Frédéric Bamvuginyumvira recommande au Chef de l’Etat de laisser les instances habilités chercher une réponse appropriée aux revendications des enseignants.

« Le contexte dans lequel nous sommes est un contexte difficile où, visiblement, le président de la République se considère comme un chef de ménage, qui doit donner des remarques à tout le monde, qui doit critiquer de la sorte à n’importe quel moment. Il y a des règles qui doivent être respectées. Que la gestion de cette question soit absolument réservée aux ministères. Le président n’interviendrait que s’il y a des problèmes qui ses posent, et non dès le départ. Son intervention ne doit pas venir comme une menace, comme un blâme. Il parle même de la prise des armes. Ce n’est pas ça. Ce n’est pas que lui a pris les armes que les solutions ont été trouvées. Il faut que nous trouvions des solutions à la gestion de notre pays », appelle l’ancien Vice-président de la République.

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