Le président de la République semble n’avoir que faire du respect des droits de l’homme. Ils sont bafoués au quotidien dans l’indifférence générale, voire dans le déni d’Evariste Ndayishimiye en personne. Alors que dans le même temps, il fait des discours et pose des actions dans d’autres domaines, mais sans convaincre personne.
C’est l’éditorial de la rédaction.
A première vue, les discours et certains actes du président de la République sont nobles et mériteraient même d’être salués.
Le général-major Evariste Ndayishimiye n’hésite certes pas à retrousser les manches pour se rendre lui-même sur le terrain pour constater de visu ce qui se passe. On l’a vu notamment vilipender un directeur provincial de l’agriculture, démettre publiquement de ses fonctions le directeur général de l’Office national des transports pour incompétence, et, plus récemment, révoquer la 2e vice-présidente du Sénat, pour s’être rendue coupable de conflit d’intérêts et de surenchère dans la vente du sucre.
Plus anecdotique, on l’a entendu déclarer qu’il est allé rencontrer le corps de la justice pour pleurnicher devant lui, à cause de sa méconduite caractérisée par une corruption endémique et institutionnalisée qui fait même fuir les investisseurs, se plaindre qu’il n’a personne en dessous de lui pour le soutenir, accuser ses proches collaborateurs d’absentéisme jusqu’à les mettre en congé forcé.
Tiens, le Chef de l’Etat est allé jusqu’à résilier tous les contrats miniers, estimant qu’ils étaient entachés de graves irrégularités.
Mais à y regarder de plus près, ainsi que le lui reprochent nombre d’observateurs dont la société civile indépendante, l’opposition, tout comme divers experts, le président Evariste Ndayishimiye semble avoir peur de prendre de vraies décisions et de mener des actions qui iraient de pair avec certains de ses discours.
Aussi l’accuse-t-on de ne s’en prendre qu’à des sous-fifres et de ne jamais oser mettre hors d’état de nuire les véritables gros poissons, ceux-là mêmes qui tirent les ficelles pour s’accaparer des richesses du pays. Car s’il a résilié les contrats miniers pour irrégularités, pourquoi ne fait-il pas arrêter ceux qui en tiraient profit, ceux qui accordaient ces marchés juteux conditionnés par une corruption et des dessous de table à coup de milliards ? Pourquoi ne fait-il pas poursuivre ceux qui sont en train de profiter de la manne des passeports dont le coût est de 235 000 francs burundais, avec comme rentrée dans les caisses de l’Etat de seulement 35 000 francs ?
Des noms ont souvent été cités, parmi lesquels le général Alain Guillaume Bunyoni, aujourd’hui Premier ministre, dont certaines sources révèlent que l’homme serait plus riche que l’Etat ! C’est aussi le cas de certains hommes d’affaires qui constituent une véritable mafia et dont quiconque menace de près ou de loin leurs intérêts, comme les marchés qui leur sont accordés à tour de bras, en bravant toutes les procédures, équivaut à signer sa propre mort.
Par ailleurs, si Evariste Ndayishimiye évoque souvent le dysfonctionnement de la justice et l’inertie de ses subalternes, il assiste, comme un complice qui les encourage, aux graves violations des droits de l’homme, dont les assassinats, disparitions forcées, arrestations arbitraires et autres viols, qui se commettent au quotidien depuis son accession au pouvoir. Pire, la plupart des auteurs de ces crimes sont connus et régulièrement cités nommément. Il s’agit des tristement célèbres noms comme Joseph-Mathias Niyonzima, Alias Kazungu, Désiré Uwamahoro, Innocent-Alfred Museremu, et bien d’autres agents du Service national des renseignements, des policiers ou encore des Imbonerakure qui ne sont jamais inquiétés après avoir commis l’innommable.
En lieu et place, Evariste Ndayishimiye se complait dans le déni, de sorte à recourir à un raccourci ridicule en pointant du doigt les réfugiés comme étant les responsables des crimes commis au Burundi. Evariste Ndayishimiye, c’est aussi l’homme qui se fait appeler « père bienveillant de la nation », sans pour autant jamais, alors au grand jamais, compatir avec les familles qui perdent les leurs par la faute des agents de ses propres services.
Prendra-t-il un jour conscience de ses véritables pouvoirs que lui confère la Constitution pour prendre enfin les bonnes décisions, et sévir contre ceux qu’il a l’air de craindre aujourd’hui ? Evariste Ndayishimiye finira-t-il par se muer en ce père bienveillant de la nation, comme il le chante à tout bout de champ, pour arrêter les crimes contre l’humanité qui se commettent sous ses yeux et qu’il fait semblant d’ignorer ? Seul le temps nous le dira. Mais en attendant, les Burundais vivent une douleur sans nom et l’horizon semble bouché.
Photo Illustration © Antéditeste Niragira/Deutsche Welle