L’inquiétude est grande chez les déplacés du site de Campazi en commune Muruta, province Kayanza. L’administrateur de cette commune a décidé de les expulser de ce lieu qui a été créé après les massacres de 1993. La raison avancée par l’administrateur est qu’une usine de thé va y être construite. Les déplacés demandent que cette décision soit suspendue, le temps que le pays recouvre la paix.
Une peur indescriptible a envahi les déplacés vivant dans ce site, depuis l’annonce de la décision de l’administrateur Audace Hicimana qu’ils doivent partir. Celui-ci leur a exigé de quitter ce site avant le 18 de ce mois, et donc ce mercredi. Ces déplacés affirment qu’ils ont été étonnés d’entendre une telle annonce, car ils n’ont pas été informés de leur sort après leur expulsion.
« Ils leur ont donné juste un délai de deux mois jusqu’au 18 de ce mois pour quitter afin d’y construire une usine de thé. Ils leur ont exigé de construire leurs propres maisons en promettant que la commune va les assister pour les tôles. Certains ont achevé leur construction, mais les autres sont incapables de le faire et ne savent pas où aller. Et on leur a dit qu’on leur trouvera un autre endroit et qu’ils devront quitter par la force », témoigne un proche d’un déplacé.
Pour ces déplacés, l’usine devrait être construite sur un autre espace, afin de préserver leurs habitations. Ils demandent au gouvernement de revenir sur cette décision.
« Nous sommes inquiets. Ils cherchent déjà à nous diviser dans le site. Une fois installés dans nos maisons, ils vont nous arrêter un à un, à leur guise. Nous demandons au gouvernement de se ressaisir et de suspendre cette décision et d’attendre que le pays soit paisible, pour qu’on retourne sur nos collines d’origine. Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’il y a la paix dans le pays », affirme un déplacé résidant dans ce site.
Ce site de Campazi avait été ouvert en 1993 pour héberger les rescapés des massacres des tutsis. Aujourd’hui, il abrite plus de 1.000 ménages.
La radio Inzamba a tenté de joindre l’administrateur communal de Muruta, Audace Hicimana, ainsi que le gouverneur de la province de Kayanza, Rémy Cishahayo, pour donner des éclaircissements sur la décision d’expulsion de ces déplacés de ce site, mais en vain.
Le gouvernement doit intervenir pour arrêter cette persécution, selon Charles Nditije
Les déplacés internes de 1993 ont toujours été persécutés par le pouvoir CNDD-FDD dans le but de les contraindre à retourner sur leurs collines d’origine. C’est le constat de Charles Nditije, président de l’UPRONA de l’opposition. Il estime que le gouvernement devrait intervenir pour empêcher l’administrateur de Muruta de continuer à persécuter ces déplacés.
« Je comprends mal comment on peut forcer ces déplacés à rentrer chez eux, alors qu’aujourd’hui les Imbonerakure, les chefs de colline et certains policiers, sont ceux-là mêmes qui les ont pourchassés et qui ont contribué à leur insécurité, les obligeant à fuir de leurs propriétés, pour ne pas être tués comme les autres Tutsis et les Hutus de l’UPRONA, qui ont subi ce sort après la mort du président Ndadaye. Ce n’est donc pas normal que cette chasse à l’homme se poursuive, parce que la sécurité n’est pas garantie pour ces déplacés. Je pense que ce qui se cache derrière, on veut les faire rentrer chez eux pour qu’ils puissent facilement attenter à leur sécurité par des assassinats et enlèvements. Puisque quand ils sont ensemble dans le camp et qu’ils sont menacés par les Imbonerakure, ils se mettent ensemble pour crier et se protéger. Mais quand ils sont isolés, ils sont plus vulnérables. Nous demandons que cette persécution s’arrête, et que le gouverneur de Kayanza intime l’ordre à cet administrateur de Muruta d’arrêter cette persécution. Ces déplacés sont suffisamment malheureux, il ne faut pas qu’il ajoute le drame au drame », plaide l’opposant Charles Nditije.
Photo Illustration : ©Journal Iwacu-Burundi