Droits de l'Homme

La loi du plus fort emporte le directeur de la prison de Bubanza

Pancarte indiquant la prison de Bubanza © DR

La Direction générale des affaires pénitentiaires a fini par avoir la peau du directeur de la prison de Bubanza. Elle a en effet déchu Diomède Ryambabaje de son poste. La DGAP lui reproche d’avoir placé la journaliste Floriane Irangabiye dans des activités au sein de cet établissement pénitentiaire. Pourtant, des témoignages indiquent que cette dame se donnait pourtant corps et âmes pour servir les autres, comme lors d’une épidémie de la conjonctivite. Mais l’on parle également d’une main du gouverneur de la province Bubanza dans le départ de Diomède Ryambabaje qu’il a accusé de désigner des représentants des détenus sans tenir compte des ethnies.

Publié le 21 mai 2024 par Rédaction

Samuel Kayanda, c’est le nouveau directeur de la prison centrale de Bubanza depuis jeudi dernier. Il remplace Diomède Ryambabaje. Ce dernier a été démis de se fonctions après avoir reçu, le lundi 13 avril dernier, une lettre de demande d’explication de la Direction générale des affaires pénitentiaires sur la désignation de la journaliste Floriane Irangabiye comme membre de la commission de réception des médicaments destinés au centre de santé de cette prison. Dans cette même lettre, il lui est demandé comment la même Floriane Irangabiye a été élue présidente du groupement des agents de la santé communautaire dans ce pénitencier.

Selon des sources au sein de la Direction générale des affaires pénitentiaires, la lettre adressée à Diomède Ryambabaje a été antidatée par son auteure, la directrice des affaires juridique et administratives, Aimée Généreuse Niyonsaba, pour ne pas lui permettre d’avoir suffisamment de temps pour s’expliquer, car la correspondance lui accordait cinq jours, alors que la décision de le remercier avait déjà été prise avant cette date.

Des informations qui nous parviennent de cette prison affirment que Diomède est victime de sa bonne attitude à l’endroit des prisonniers dont il veillait au respect des droits, raison pour laquelle il désignait des représentants des détenus sans tenir compte de leurs ethnies. Une conduite qui irritait certaines hautes autorités, dont le gouverneur de Bubanza, Cléophas Nizigiyimana, qui a accusé Diomède Ryambabaje de ne pas respecter les injonctions  du parti CNDD-FDD, parce que parmi les représentants des détenus figurent des Tutsi.

Et pour concrétiser ses allégations, le gouverneur Cléophas Nizigiyimana a même convoqué le mardi 14 avril une réunion au sein de la prison, pour ordonner que désormais seuls des Hutu soient les représentants des autres prisonniers, toujours selon les mêmes sources.

Mais ces informations insistent pour dire que Diomède Ryambabaje est surtout victime de la place de plus en plus prépondérante que Floriane Irangabiye occupait au sein de la prison et de l’attachement que lui portent les autres détenus, en raison du grand rôle qu’elle joue dans le secteur de la santé.

Ces sources donnent l’exemple de la période où a sévi une épidémie de la conjonctivite. Selon ces sources, Floriane Irangabiye s’est personnellement occupée du suivi de 142 patients dont elle transmettait quotidiennement des rapports sur l’évolution de leur état. De même, ces informations indiquent que depuis qu’elle dirige le groupement des agents de la santé communautaire, les médicaments sont devenus plus disponibles et accessibles à tous. Par ailleurs, la journaliste a même lancé une lutte contre les abus sexuels commis sur les mineurs qu’elle a fait dépister contre le VIH. Cette initiative l’a même exposée à des menaces de la part d’un groupe de détenus qui « font la pluie et le beau temps dans la prison », ayant même comploté de la tuer.

Tout cela aurait fortement déplu à Pierre Claver Miburo, le directeur général des affaires pénitentiaires, jusqu’à démettre Diomède Ryambabaje de ses fonctions de directeur de cette prison. Des sources au sein de la DGAP affirment que le tout est ourdi dans la discrétion, pour que la ministre de la Justice ne découvre pas la vérité.

La rédaction de la radio Inzamba a tenté de joindre par téléphone Pierre Claver Miburo, le directeur général des affaires pénitentiaires, mais il nous a demandé de le trouver dans son bureau pour répondre à nos questions. Quant à Cléophas Nizigiyimana, gouverneur de Bubanza, nos tentatives de l’appeler et de lui envoyer des messages whatsapp ont été vaines.

Une discrimination qui révolte

Rien ne peut justifier l’interdiction pour un prisonnier de se faire élire pour représenter les autres. Anita Gateretse, coordinatrice des projets à ACAT Burundi, fait savoir que ce type de comportement démontre que la persécution à l’endroit de la journaliste Floriane Irangabiye continue.

« ACAT Burundi est accablée par la discrimination à l’endroit de la journaliste Floriane Irangabiye qui a été exclu sans explication de la liste des détenus choisis pour représenter les autres au sein du groupe des agents de la santé. La Direction générale des affaires pénitentiaires a adressé une lettre de demande d’explication au directeur de la prison pour le choix de Floriane Irangabiye. Ceci s’inscrit dans des actes d’intimidation et de harcèlement à l’endroit de la journaliste, comme nous l’avons déjà constaté. ACAT Burundi rappelle que la Direction générale des affaires pénitentiaires est tenu au principe de non discrimination, selon respectivement l’article 2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et la règle deux des règles minima pour le traitement des détenus. Le Burundi a souscrit à tous ces mécanismes », a précisé Anitha Gateretse.

« La Direction générale des affaires pénitentiaires doit veiller au respect de l’intégrité morale et physique de la journaliste Floriane Irangabiye, car s’il lui arrive quoi que soit, suite à ce harcèlement, la Direction générale des affaires pénitentiaires devra en répondre. ACAT Burundi est également fortement préoccupée par une information qu’elle vérifie toujours selon laquelle la Direction général des affaires pénitentiaires aurait remplacé les représentants des détenus de l’ethnie tutsi par ceux de l’ethnie hutu. Si cette information est vraie, c’est une attitude des autorités à dénoncer car portant gravement atteinte à l’unité et à la cohésion des différentes composantes de la population burundaise. Si des autorités burundaises prennent de telles décisions, le Burundais est loin de retrouver l’apaisement et la réconciliation tant souhaités par les Burundais pour asseoir une paix durable », a averti la coordinatrice des projets à ACAT Burundi.

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