Droits de l'Homme

Le goût amer de la liberté de certains détenus

Publié le 16 novembre 2021 par Rédaction

La libération de certains détenus se transforme en enfer. La radio Inzamba en a répertorié au moins neuf qui, au cours de ces derniers mois, ont été soit tués, soit enlevés ou encore arbitrairement arrêtés. Certains d’entre eux avaient obtenu leur remise en liberté par la grâce présidentielle. Aujourd’hui, cette situation a poussé certaines des personnes libérées de la prison à vivre dans la clandestinité. Une situation que déplore le FOCODE, dont le président, Pacifique Nininahazwe, interpelle directement le Chef de l’Etat pour arrêter ce phénomène qu’il qualifie d’extrêmement inquiétant.

Celui qui a été tué après avoir été libéré de la prison est un mineur de la commune Mugamba, Bernardin Baserukiye. Il a été assassiné par balles tout près de son domicile. Certaines sources font savoir qu’il aurait été tué par le commissaire Moise Arakaza surnommé Nyeganyega, connu pour de graves violations des droits de l’homme, quand il était encore commissaire communal à Mugamba.

Pour les cas d’enlèvements, le premier à en avoir fait les frais est Alexis Nsabimana, un habitant de Ruziba dans la zone Kanyosha en mairie de Bujumbura. Il a été enlevé le jour même de sa sortie de la prison centrale de Mpimba, le 26 avril 2021. Les siens ont attendu son arrivée, mais en vain. Il est introuvable jusqu’aujourd’hui. Le second est Thierry Kwizera. Il a été enlevé le 03 juin 2021. Il a été retrouvé plus tard au sein du cachot du Service national des renseignements à Bujumbura au quartier Rohero. Il aurait été par la suite libéré après paiement d’une rançon. Le troisième, Bonfils Migabo, a été enlevé le 03 août 2021 et, depuis, aucune trace de lui. Le quatrième, Christophe Ndayiragije, a été arrêté par les forces de l’ordre chez lui à Kiganda dans la province Muramvya, le 19 octobre 2021. Depuis lors, sa famille n’a pas été informée de son lieu de détention. Le cinquième est un démobilisé des ex-Forces armées burundaise, Calixte Karisabiye de la province Mwaro enlevé au mois d’Avril. Après sa libération de la prison, il a été arrêté le lendemain en commune Rusaka par le responsable des renseignements à Mwaro. Il a été incarcéré dans les cachots de police à Mwaro où il aurait été torturé. Il aurait par la suite été transféré à la prison de Muramvya. Le sixième, c’est Innocent Girukwigomba, ancien brigadier de la police et ancien officier de police judiciaire à Musaga. Il a été enlevé le 08 novembre dans la zone Rohero, au centre-ville de Bujumbura, par des hommes en tenue policière. Les siens ont alerté partout, mais il est toujours introuvable. Et puis, il y a ce triple kidnapping à Kayanza le 23 octobre 2021. Les victimes de cet enlèvement sont Levis Ndayisaba, Désiré Maniragaba et Thierry Ndihokubwayo. Aucune information sur leur sort depuis leur enlèvement.

Cette situation provoque un climat de peur chez certains de ceux qui ont été récemment libérés. Certains optent pour une vie de clandestinité par peur d’être la cible d’arrestations ou d’enlèvements souvent suivis de disparitions forcées.

« Un phénomène extrêmement inquiétant », s’inquiète Pacifique Nininahazwe du FOCODE

Cette situation provoque également la panique chez des détenus qui sont encore en prison qui, pourtant, espèrent une libération prochaine. Pour Pacifique Nininahazwe, président du forum pour la conscience et le développement, FOCODE, ce phénomène est extrêmement inquiétant. Le coordonnateur de la campagne Ndondeza demande au président de la République de tout mettre en œuvre pour garantir la sécurité de tous les Burundais.

« Depuis un certain temps, nous recevons beaucoup de messages de détresse de personnes qui s’apprêtent à sortir des prisons burundaises dans les mois prochains, qui ont purgé leur peine, et qui espèrent être libérés. Mais aussi de personnes récemment libérées, notamment ceux qui été libérés sous la grâce présidentielle en avril dernier et d’autres qui ont suivi. Certains vivent cachés et nous disent qu’ils ne savent plus quoi faire. Il y en a d’autres qui vont sortir et qui se disent ‘’Mais où allons-nous ? Comment allons-nous vivre, en sachant qu’à tout moment, nous pouvons nous faire enlever et nous faire tuer ?’’ Ces craintes sont fondées par les nombreux cas de disparitions forcées et d’assassinats de personnes récemment libérées qui ont été observés depuis avril 2021. Les gens se posent alors la question ‘’Est-ce que notre sécurité, c’est de rester en prison ?’’ Nous sommes arrivés à un stade où des Burundais pensent qu’ils sont sécurisés lorsqu’ils sont en prison, et que leur vie est en danger lorsqu’ils sortent de prison. Ces craintes concernent particulièrement les prisonniers arrêtés alors qu’ils étaient des militants de l’opposition, alors qu’ils avaient manifesté contre le 3e mandat de Pierre Nkurunziza en 2015, ou qu’ils ont été arrêtés sous des soupçons de collaboration avec des groupes armés. Dans la plupart des cas, nous observons qu’ils sont enlevés après avoir été piégés par d’anciens compagnons à la prison ou de personnes qu’ils ont laissées à la prison. Ce sont ceux-là qui les appellent. Et lorsqu’ils répondent à ces appels, ils sont enlevés par des agents du Service national des renseignements. Ceci est extrêmement inquiétant. Nous demandons au président Ndayishimiye et à ses collaborateurs, de tout mettre en œuvre pour sécuriser les Burundais, et mettre fin à ce phénomène horrible », appelle Pacifique Nininahazwe, coordonnateur de la campagne Ndondeza.

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