Gouvernance

Les contributions forcées pour la construction d’un palais présidentiel mettent les policiers en rogne

Publié le 10 mai 2022 par Rédaction

Officiers, sous-officiers et agents sont mécontents. Ils ont été sommés de contribuer à la construction d’un palais présidentiel à Gitega. La contribution varie entre cinq et deux cents mille francs burundais chacun. Et elle doit être versée avant la fin du mois de juin. L’instruction émane du ministre de la Sécurité.

Les officiers de police vont contribuer à hauteur de 200 mille francs burundais, les sous-officiers 10 mille francs, et 5 mille francs pour les agents de police.

L’annonce a été faite jeudi et vendredi de la semaine dernière par les chefs de service de la police nationale, selon des sources au sein de la police. Ces responsables ont révélé que l’ordre leur avait été donné par le ministre de la Sécurité, Gervais Ndirakobuca, lors d’une réunion à leur intention, selon les mêmes sources.

Cette contribution pour la construction du palais présidentiel devra être donnée avant la fin du mois de juin de cette année. Elle ne concerne pas les travailleurs civils, précisent les sources.

Selon les mêmes informations, les chefs de service de la police ont déjà commencé à verser leurs contributions. Mais ils feraient remarquer qu’il leur sera difficile de trouver les 200 mille francs exigés.

Pour rappel, depuis que le président de la République Evariste Ndayishimiye a annoncé qu’il donnait 10 millions pour la construction d’un palais présidentiel à Gitega, certains ministères se sont mis à exiger des contributions aux fonctionnaires. Ce qui provoque du mécontentement au sein de ces ministères.

La radio Inzamba a essayé de joindre par téléphone Pierre Nkurikiye, le porte-parole du ministère de la Sécurité, pour avoir de plus amples informations, mais sans succès.

« Ce ne sont pas des contributions, mais une sorte d’impôts », analyse Vital Nshimirimana du FORSC

Le ministère des Finances a récemment ouvert un compte de transit des contributions dites populaires destinées à la construction du palais présidentiel de Gitega. Le compte intitulé « Urubumbiro rwo muhira » est logé à la Banque de la République du Burundi.

Mais cette initiative est loin d’être du goût des défenseurs des droits de l’homme. Car pour eux, elle vient ruiner de plus belle les ménages burundais. C’est aussi l’avis de Vital Nshimirimana, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC).

Vital Nshimirimana, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile FORSC ©CNCD-11.11.11

« Depuis l’indépendance du Burundi, les différents gouvernements qui se sont succédés comprenaient un ministère des travaux publics. C’est ce ministère qui s’occupait du développement, de l’extension et de la restauration des infrastructures publiques. Ce qui est étonnant aujourd’hui, c’est que le CNDD-FDD a adopté une autre démarche qui consiste en la mobilisation des ressources au sein de la population, une population déjà appauvrie par plusieurs crises : la crise sécuritaire et politique qui perdure depuis 2015, la crise sanitaire du Covid-19 qui continue jusqu’aujourd’hui. Demander à la population de contribuer pour l’érection d’un palais présidentiel est trop demander », s’insurge le défenseur des droits humains.

Car pour Vital Nshimirimana, l’Etat a la possibilité de passer par d’autres voies, qui sont d’ailleurs classiques, sans davantage faire souffrir le peuple.

« C’est inacceptable, parce que le gouvernement du Burundi sait qu’il peut puiser ses ressources à travers des partenariats avec des organisations internationales ou des Etats, tel que cela a été le cas quand le régime de Pierre Nkurunziza a négocié la construction du palais présidentiel à Bujumbura. Et aujourd’hui, demander à la population de contribuer à la construction du palais présidentiel, c’est une démarche qui consiste à dépouiller la population, à l’appauvrir davantage ».

Vital Nshimirimana prévoit déjà des conséquences fâcheuses à ceux qui ne vont pas suivre à la lettre cette récolte : « C’est une démarche honteuse qui fait penser que le gouvernement du Burundi ne se soucie pas de l’intérêt ou du bien-être de la population, mais que les autorités empruntent des raccourcis pour exiger des contributions. Parce qu’ils savent que ce ne sont pas des contributions, mais une sorte d’impôts. Parce que celui qui ne va pas contribuer se verra sanctionné, comme par exemple interdit d’accès à des services publics. On l’a vu à plusieurs reprises, ce qui était appelé « contribution volontaire » s’est transformé en obligations envers la population », démontre avec regret le délégué général du FORSC.

 

 

Photo Illustration : ©BurundiDaily

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