Gouvernance

Les enquêtes sur le vol de milliards de francs à l’armée s’étendent sur des militaires en mission à l’extérieur du pays

Publié le 15 octobre 2022 par Rédaction

Trois militaires burundais en mission en Centrafrique ont été rappelés par le commandant des Forces de défense nationale lundi dernier. Avant le déploiement, ces militaires prestaient au Bureau de traitement de la FDNB. Ils faisaient partie du septième contingent de la mission des Nations Unies, la MINUSCA. Leur rapatriement intervient dans le cadre des enquêtes sur un détournement de fonds au sein du Bureau de traitement. Pour un expert du domaine militaire, cette situation nécessite des mesures de dissuasion pour endiguer cette pratique au sein de l’armée.

Les militaires rappelés par le général Prime Niyongabo sont des sous-officiers de l’armée, qui sont d’anciens cadres du Bureau de traitement. Il s’agit de l’adjudant major Pasteur Ngeraha, adjudant-chef Ntimpirangeza Désiré, et l’adjudant Nsengiyumva Alain Georges.

Dans la lettre exigeant leur rapatriement, il est noté que leur retour au pays est immédiat et que les billets d’avions seront payés par les intéressés eux-mêmes.

Les informations que la radio détient des sources au sein de l’armée burundaise indiquent que les trois sous-officiers ont presté au sein du Bureau central de traitement, le BT, l’ancienne direction centrale de traitement, DCT, avant leur déploiement en Centrafrique. Les mêmes sources précisent en outre qu’ils ont été rappelés pour faciliter les enquêtes de l’auditorat militaire relatives à un détournement de fonds de l’armée au niveau du BT.

Leur rapatriement survient après l’arrestation de plus de 60 militaires accusés d’avoir trempé dans ce détournement. Ces derniers sont en garde à vue dans les cachots du bataillon police militaire (PM).

Ces mêmes sources indiquent ne pas comprendre pourquoi le chef de ce service, le lieutenant-colonel Sahabo, n’est pas jusqu’ici poursuivi, alors que c’est lui qui s’occupe du contrôle du personnel avant la clôture du service.

La rédaction radio Inzamba Agateka Kawe a tenté de joindre par téléphone le colonel Floribert Biyereke, porte-parole de l’armée, pour éclairer l’opinion sur ce détournement de fonds signalé au bureau de traitement de l’armée, BT, son téléphone sonnait, mais il ne décrochait pas.

« Des responsables de l’armée sont certainement impliqués »

C’est une avancée positive que l’armée burundaise ait ouvert une enquête sur le détournement de fonds au bureau de l’état-major de l’armée. C’est ce qu’indique Gratien Rukindikiza, ancien officier de l’armée et expert analyste du domaine. Selon lui, le Bureau de traitement des salaires qui est informatisé doit être soumis à un audit de la gestion des fonds dans l’armée.

« C’est la première fois qu’il y a un détournement d’une telle ampleur. Mais ce n’était pas du tout prévisible parce qu’à l’armée il y a un bureau de traitement qui est complètement informatisé. Donc pour arriver à concevoir un stratagème et pouvoir détourner un tel montant, il faut faire en sorte de faire rentrer des gens qui sont sortis de l’armée, qui sont morts ou emprisonnés et on crée un fichier du personnel des militaires qui sont payés. Je pense que ce n’est pas une affaire de toute l’armée ou de toute la hiérarchie des chefs, mais une affaire de quelques-uns », estime l’ex-officier.

Et pour lui, on n’est pas loin d’un cas de détournement de fonds rocambolesque en République Démocratique du Congo.

« Les Burundais, surtout au niveau de l’armée essaient de suivre l’exemple du Congo où on avait annoncé au président qu’il y avait 20 000 militaires qui combattaient le M23. Et donc il y avait de l’argent et des équipements pour les vingt mille militaires, mais quand le président a fait une tournée sur les lieux, il s’est rendu compte qu’il n’y avait que 5 000 militaires qui combattaient. De ce fait, il y avait un gros détournement et il a limogé le chef d’état-major, comme on l’a vu tout récemment. Au Burundi, ce détournement implique sans nul doute les chefs parce qu’ils n’ont pas contrôlé. Mais l’on pourrait se demander s’il n’y a pas une possibilité d’avoir un audit de la gestion dans l’armée, notamment la gestion même de l’argent de l’AMISOM, pour qu’il n’y ait plus ce genre de détournement. Un bon point est qu’ils ont finalement arrêté ces gens-là, qui n’ont pas été couverts comme ça se faisait de temps en temps. C’est une bonne chose, pourvu que ça continue ainsi », se félicite Gratien Rukindikiza.

Des sources de la radio Inzamba indiquent que la somme qui a été détournée est comprise entre un et deux milliards de francs burundais.

 

Photo Illustration : ©Mohamed Abdiwahab / AFP

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