Les femmes détenues à la prison de Muyinga ont entamé une grève de la faim ce mardi 22 août. C’est pour dénoncer la persécution dont elles font l’objet à cause de leur soutien à Floriane Irangabiye. Lundi, elles se sont toutes vues refuser d’aller se faire soigner et de se faire livrer à manger. Une décision prise par la chargée du service social. Et quiconque s’approchait du compartiment des femmes est enfermé dans des toilettes pour hommes où il est sérieusement tabassé par deux détenus, sous la supervision du directeur.
Selon des sources au sein de la prison, cette grève durera quatre jours. Malgré une réunion tenue ce mardi matin entre le directeur de la prison et les représentants des détenus, femmes et hommes confondus, elles ont décidé d’aller jusqu’au bout de cette manifestation.
Ces mêmes sources affirment que les femmes ont demandé à voir le directeur, mais celui-ci a préféré s’absenter dans l’après-midi, tout comme la responsable du service social.
Tout est parti de la décision prise le lundi matin par Bélyse Kaneza, chargée du service social. Aucune des femmes détenues dans cette prison de Muyinga ne devrait plus accéder au dispensaire de cet établissement pour se faire soigner selon la decision Madame Kaneza. De surcroît, aucune des détenues n’a plus le droit de recevoir des aliments achetés en dehors de la prison.
Selon des informations au sein de cet établissement pénitentiaire, aucune raison apparente ne justifie ces mesures, sauf le fait que Bélyse Kaneza reprocherait à ces femmes de soutenir la journaliste Floriane Irangabiye, qui va bientôt faire un an dans cette même prison. La responsable du service social aurait alors dit que des assassins ne méritent pas d’être soignés.
Selon les mêmes sources, depuis le moment de la prise de cette décision, personne n’a plus le droit de s’approcher du compartiment des femmes. Quiconque ose le faire est aussitôt séquestré dans les toilettes des hommes, un lieu appelé 26, pour y être sérieusement battu.
Les auteurs de ces actes de torture sont deux détenus : Danny Christophe et Radjabu Djaffar, tous deux condamnés à la prison à vie, sous la supervision de Serges Nsabuwandemye, le directeur de la prison. Certains prisonniers ont fait les frais lundi de cette mesure. Il s’agit de ceux communément connus les noms de Massaï, Ryari et Kwizera, comme le précisent les mêmes sources.
Ces femmes détenues disent être d’autant plus inquiètes par ces mesures que certaines sont gravement malades. Ces sources donnent l’exemple d’une certaine Libérine dont le bras a été transpercé par un bout de bois, et qui devait se faire soigner le même lundi, et dont le bras en question commence à enfler dangereusement.
Selon ces mêmes sources, ces prisonnières n’ont même pas le droit de puiser de l’eau, et redoutent d’attraper des maladies liées au manque d’hygiène.
Et pour ajouter le drame au drame, la direction a en outre coupé le courant dans cette même zone, plongeant les cellules dans des ténèbres que les femmes qualifient d’insupportables, craignant pour leur sécurité.
C’est donc pour ces raisons qu’elles ont décidé d’entamer ce mardi une grève de la faim.
La radio Inzamba a tenté de joindre Serges Nsabuwandemye, directeur de la prison de Muyinga, pour s’exprimer sur cette situation, son téléphone sonnait, mais il ne décrochait pas.
Cette situation est la preuve du dysfonctionnement des organes de l’Etat
Les femmes détenues dans la prison centrale de Muyinga méritent d’être écoutées au lieu d’être persécutées. C’est un appel du mouvement Inamahoro. C’est en réaction aux mesures prises depuis lundi pour restreindre certains de leurs droits. Pour Marie Louise Baricako, présidente de ce mouvement, ce mauvais traitement est contraire aux lois nationales et aux conventions internationales sur la protection des droits humains.
« En tant que femmes, nous sommes vraiment troublées par le fait que des responsables décident d’infliger ce genre de traitement aux détenues, juste parce qu’elles ont soutenu leur sœur. C’est regrettable d’apprendre que des responsables de la prison appliquent des mesures qui n’ont pas été prises par la Cour, jusqu’à qualifier les détenues de criminelles, juste pour avoir soutenu Floriane Irangabiye qui devient mystérieusement criminelle, alors qu’aucune infraction de ce nom ne figure parmi les faits retenus. Nul ne sait plus véritablement qui gouverne le pays, qui prend les décisions et qui est chargé de les appliquer. Cette confusion produit la désorientation de la population quand on est en difficulté. On ne sait plus vers qui aller pour avoir une solution. Tout est confus. Notre sœur Floriane Irangabiye est arbitrairement emprisonnée, accusée d’infractions sans éléments de preuve, maltraitée dans son lieu de détention. Et pour avoir manifesté la compassion, le sens d’humanité et de solidarité, ses codétenues deviennent des criminelles », s’insurge Marie Louise Baricako.
« Autre chose, même si elles sont en prison, elles n’ont pas été condamnées à mort. Les lois et les conventions régissant le traitement en milieu carcéral doivent être respectées. Tout ce traitement qui leur est infligé est contraire aux normes convenues. Le mouvement Inamahoro, femmes et filles qui militent pour la paix et le respect des droits humains, s’insurge contre ce traitement inhumain. Certains détenus, qui ont opté pour la cohésion, la solidarité, la dénonciation du mal auraient dû être écoutés pour ramener ceux qui se sont égarés. Tel que le président Evariste Ndayishimiye ne cesse de regretter le dysfonctionnement de la justice au Burundi, nous tous, citoyens, devrions l’appuyer, en dénonçant ces agissements des secteurs judiciaires et des droits humains au Burundi », appelle la présidente du mouvement Inamahoro.