Gouvernance

Ngozi : Ndayishimiye ne mâche pas ses mots à l’encontre de l’administrateur communal de Kiremba pour malversation

Publié le 13 juillet 2022 par Rédaction

Le président Evariste Ndayishimiye n’y est pas allé par le dos de la cuillère. La mauvaise gouvernance dans la commune Kiremba de la province Ngozi l’a mis dans une colère noire. Et le moins que l’on puisse dire est que l’administrateur de cette commune en a eu pour son compte. Cet administratif aurait vendu des terrains appartenant à l’Etat et des immeubles de coopératives. Le président de la République a haussé le ton face à ces malversations. Evariste Ndayishimiye s’exprimait lors d’une descente en province Ngozi en fin de semaine dernière. Mais pour Agathon Rwasa, président du parti CNL et député élu dans la circonscription de Ngozi, le discours de Ndayishimiye n’est que charamiades, puisque le CNDD-FDD est seul comptable de cette situation. Même son de cloche du côté de Dieudonné Bashirahishize, activiste de la société civile qui, lui, estime que c’est encore un autre discours en l’air.

Plus précisément, Pascal Sebigo, administrateur de la commune Kiremba en province Ngozi est accusé d’avoir vendu deux maisons appartenant à la coopérative Akanovera. Ces deux bâtiments se trouvent sur la colline Kabari, de la zone Musasa. Ils ont été construits sur un financement du projet de Productivité et de Développement des Marchés Agricoles, PRODEMA, pour un coût de plus de 100 millions de francs burundais, indiquent des sources à Kiremba.

Après les travaux, l’administrateur les a alors vendus, ou plutôt bradés pour la modique somme de trois millions de francs ! Du moins officiellement. Mais le même administrateur est accusé d’avoir vendu d’autres biens de la commune, dont des terres domaniales, une camionnette de la commune et une centaine de sacs de ciment destiné à la population locale pour le soutien au développement.

Eh bien, samedi dernier, le président Evariste Ndayishimiye ne l’a pas raté. Alors qu’il était en visite dans la province Ngozi, le chef de l’Etat a donné un ultimatum à cet administrateur communal pour rendre les biens qu’il a vendus. Ndayishimiye a délégué le gouverneur de Ngozi pour trouver des solutions aux multiples problèmes qui minent la commune Kiremba.

« Monsieur l’administrateur, je veux qu’à mon retour, tu aies déjà restitué les maisons à la coopérative. Je sais qu’il a entendu. Oser voler aux coopératives ! Est-ce que c’est toi qui avais construit ces bâtiments ? Comment peux-tu les vendre alors que ce n’est pas toi qui les as construits ? Tu te rends compte, vendre les maisons à trois millions, et quand l’acheteur les donne à la banque comme garantie, elle lui octroie un crédit de plus de 40 millions ? C’est vraiment honteux, ce qui se passe dans cette commune de Kiremba. Monsieur le gouverneur, allez voir les habitants de cette commune, qu’ils vous disent tous les problèmes qui minent cette commune. Si l’administrateur doit être destitué, eh bien, qu’il parte. Si le conseil communal doit être dissout, eh bien, que les conseillers partent, puisqu’ils ne servent à rien. Kiremba est la commune où j’ai constaté le plus de problèmes. On dirait qu’elle n’a pas de conseillers communaux ou de dirigeants. Je ne veux pas qu’il y ait encore des problèmes à mon retour. Ne m’embêtez plus, ne me fatiguez plus. Quand je reviendrai, n’hésitez pas de me dire tous les problèmes que vos dirigeants auront camouflés. Parce que, comme je l’ai constaté, on ne peut être juge et partie », a martelé Evariste Ndayishimiye.

Apparemment, la méconduite de l’administrateur de Kiremba était déjà connue des plus hautes autorités. Puisque, selon toujours les sources de la radio Inzamba, d’autres contrats d’achat-vente de maisons de la coopérative, et de vente de terres domaniales, ont été suspendus par le ministère de l’Agriculture et de l’élevage depuis le mois d’avril 2022. Cependant, les habitants de Kiremba révèlent que les montants inscrits comme prix d’achat ne sont pas réels. Les bâtiments et les terres domaniales ont été vendus à des sommes de loin plus importantes.

Nos sources affirment que l’administrateur de Kiremba se prête allègrement à ces actes parce qu’il compte sur le soutien des ténors du CNDD-FDD en province Ngozi, qui seraient également impliqués dans la vente de ce patrimoine. Selon ces mêmes sources, le président du conseil communal, qui était le seul à oser dénoncer ces irrégularités, a été chassé du conseil par le secrétaire provincial du parti au pouvoir à Ngozi.

Des habitants de Kiremba demandent que l’administrateur Pascal Sebigo soit démis de ses fonctions et qu’il soit traduit en justice.

« Le CNDD-FDD a été déclaré parti-Etat, et les administratifs issus de ce parti se comportent comme tel »

La cause des problèmes auxquels fait face la commune de Kiremba, c’est qu’elle est dirigée depuis des années par des militants du CNDD-FDD qui, au lieu de se soucier du bien-être de la population, travaillent pour leurs intérêts propres et ceux de leur famille politique. C’est le constat du président du parti Congrès national pour la liberté CNL, Agathon Rwasa, natif de cette commune. Il l’a déclaré ce dimanche à l’occasion de l’ouverture de la permanence de son parti sur la colline Camugani, en commune et province de Ngozi.

« La commune de Kiremba fait partie des communes du pays qui ont été dirigées par beaucoup d’administrateurs depuis la création des entités communales vers les années 60. C’est un peu comme notre pays, il a eu beaucoup de présidents mais le développement n’a jamais suivi. Il y a quelque chose qui m’étonne chez nos dirigeants, ils mettent eux-mêmes en place des choses, et après ils viennent jeter le tort aux autres. A Kiremba, il n’y a aucun militant du CNL dans l’administration communale. On parle d’un conseil communal, mais là-dedans, il n’y a que des membres du CNDD-FDD. Même un membre du CNDD-FDD qui tente de bien travailler en bon patriote, il est automatiquement affublé de tous les maux, avec des accusations fallacieuses et non fondées. L’exemple le plus frappant est celui de l’ancien président du conseil communal. Il a été souvent malmené par des Imbonerakure de son parti avant d’être emprisonné. Il avait été obligé de démissionner, mais je pense qu’il a été forcé de le faire », accuse le leader de l’opposition burundaise.

Et pour Agathon Rwasa, la conduite des administratifs de la commune est en phase avec les déclarations de certaines autorités, qui ont fait du CNDD-FDD un parti-Etat.

« Dire alors qu’il n’y a pas de conseillers communaux c’est faux. Nous sommes là, mais nos propositions ne sont pas prises en considération. Seules les idées des gens du CNDD-FDD comptent. Le chef de l’Etat ne devrait pas oublier que le secrétaire général de son parti a déclaré un jour publiquement, que le parti CNDD-FDD était synonyme du pays. Vous comprenez très bien par-là que les lois du pays ne valent plus rien, que seul le parti CNDD-FDD décide. Voilà donc le vrai problème auquel nous sommes confrontés chez nous à Kiremba. Si le président de la République peut faire le contraire de ce qu’a dit le patron de son parti, qu’il le fasse, et je pense que la commune de Kiremba redeviendra une commune comme les autres. Mais c’est vraiment honteux de voir des autorités qui sont incapables de sortir de leurs familles politiques pour être au service de tous les citoyens sans exception », regrette le président du parti CNL.

« Juste un discours de plus… »

Des discours sans actes dans un pays rongé par l’impunité ne produisent aucun effet positif. Propos de Me Dieudonné Bashirahishize, activiste de la société civile, suite à la déclaration du président de la République la semaine dernière. D’après Me Dieudonné Bashirahishize, le président Ndayishimiye devrait plutôt sévir contre tous les auteurs de malversations, au lieu de se contenter de discours visant à s’attirer la sympathie de la population.

« Le fait de condamner la concussion, la corruption ou la mauvaise gestion de la chose publique, n’est pas en soi une mauvaise chose. Cependant, comme disent les Français, ‘’l’âme d’un chef est le moule qui donne la forme à toutes les autres’’. Si vous vous en souvenez bien, au début de son mandat, le président avait promis de combattre vigoureusement la corruption, la concussion et la mauvaise gestion de la chose publique. Et il avait promis de donner un bon exemple avec les nouveaux arrivants au pouvoir, et donc son gouvernement, en procédant à la déclaration de leurs biens, quitte à ce que lorsqu’ils quitteront le pouvoir, la justice ou la Cour des comptes puisse inspecter, afin que chaque mandataire public puisse justifier les biens, tant meubles qu’immeubles qu’il aura acquis pendant l’exercice de son mandat. Mais il s’est contredit en quelques semaines en disant : ‘’Les bien d’une personne, c’est très difficile de les répertorier’’. C’était une sorte de signal qu’il venait de donner aux autres Burundais qui participent à des niveaux différents du pouvoir. Un signal comme pour les aviser : ‘’La rigueur n’est plus d’actualité, vous pouvez gérer comme bon vous semble’’, constate amèrement Dieudonné Bashirahishize.

L’activiste de la société civile doute fortement de la volonté d’Evariste Ndayishimiye de mettre fin à ces malversations.

« Lorsqu’on entend le président condamner en public un tel administratif, avec une sorte de coup de publicité, est-ce que cela relève réellement d’une volonté d’éradiquer ces malversations économiques ? Ou bien, c’est juste un coup de charme, une sorte de populisme, qui vise à endormir une population meurtrie, qui ne sait plus à quel saint se vouer ? Et le président, constatant son incapacité à pouvoir changer tout un système, se contenterait-il maintenant à se lancer dans une sorte de campagne électorale précoce ? Pour dire : ‘’ Moi j’aimerais changer, mais j’ai encore des difficultés ‘’. Ou il existe réellement une volonté politique de venir à bout de ce genre de crimes économiques ? Difficile de donner la réponse. Mais simplement, le moins que l’on puisse dire, c’est que le chef de l’Etat devrait gouverner en se basant sur des institutions compétentes dans différents domaines. Pour ce qui est des malversations économiques, il aurait suffi que le président demande à son ministre de la Justice d’instruire le procureur compétent pour aller enquêter et réprimer l’acte répréhensible. Ainsi, ça aurait été mieux qu’il vienne pour dire : ‘’Voilà, dans toute la province de Ngozi, les administratifs corrompus ont été poursuivis et jugés, les biens de l’Etat sont retournés dans les caisses publiques’’. Sinon, c’est davantage une sorte de comédie où on essaie de prendre au piège une population mal informée, qui va croire qu’il y a une réelle volonté politique, alors que si c’était le cas, le chef de l’Etat dispose de tous les instruments, au niveau légal et politique, pour pouvoir aboutir à ses fins », tranche Me Dieudonné Bashirahishize.

 

 

 

Photo Illustration: ©RTNB

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