Droits de l'Homme

« On te laisse la vie sauve aujourd’hui, mais si demain tu recommences, on ne répond plus de rien ! »

Publié le 15 février 2022 par Rédaction

S’il y a un homme qui peut s’estimer heureux aujourd’hui, c’est bien Désiré. Eh oui, « Désiré », car l’on ne connaît que son prénom, grâce à cette malheureuse et triste vidéo qui nous l’a fait découvrir sur les réseaux sociaux. Désiré, un habitant de la commune Nyanza-lac, en province Makamba, aurait eu le malheur d’ « offenser » certains Imbonerakure de la circonscription. Il n’en fallait pas plus pour décider de lui faire payer son audace. Mais son heure n’ayant pas encore sonné, les jeunes du parti au pouvoir se sont contentés de le molester, en l’avertissant qu’au moindre nouvel écart à leur endroit, son compte serait définitivement réglé.  

Les images sur la vidéo sont choquantes. L’on voit clairement un homme dans la soumission et l’humiliation les plus totales. Son visage tuméfié en dit long sur le sort de passage à tabac qu’il venait de subir, implorant le pardon, craignant sans doute le pire. La voix d’un des Imbonerakure, imposante, traduit la terreur. L’homme qui somme la victime de demander pardon, et qui diffère la sentence, est sûr de lui, pour ne pas dire trop sûr de lui. Un échange surréaliste.

« Dési, si tu insultes encore une fois un Imbonerakure, que se passera-t-il? » demande celui qui semble être le chef du groupe. Et, joignant ses mains, les yeux embués de larmes, Désiré supplie : « Au nom de Dieu, vous ferez de moi ce que vous voudrez ». « Demande pardon alors… ». « Je demande vraiment pardon, vos excellences Imbonerakure. Au nom de Dieu ». « Tu demandes pardon ? » « Oui » « Tu te souviens de ceux que tu as insultés ? » « Oui, vraiment ». « Cite-les ! » « Ryoya… et Elie, … », Désiré cherche désespérément des yeux, tournant la tête dans tous les sens. « Et celui-ci, alors ? » « Oui. Vous tous, je vous demande pardon » « Comment s’appelle-t-il ? » Et, en homme prêt à tout pour sauver sa peau : « Tu t’appelles grand-frère Abani ». « Il est responsable de quoi ? » « Je ne sais vraiment pas », dit-il innocemment, la voix tremblotante. Et la voix grave de conclure : « Ce n’est pas grave. Maintenant, nous nous entendons, devant tous ces gens, que le jour où tu parleras d’une personne ou que tu l’offenseras, ils feront de toi ce qu’ils veulent… ». « Oui vraiment… », convient Désiré, avant que le ‘chef’ ne tranche : « Je demande d’ajourner la sentence aujourd’hui ».

La diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux n’est pas fortuite. Pour Vital Nshimirimana, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile, sa diffusion a été faite à dessein. Et sans passer par quatre chemins, le défenseur des droits humains estime que ces jeunes du CNDD-FDD ne méritent rien d’autre que d’être traduits devant justice.

« Si de telles images circulent sur les réseaux sociaux, ce n’est pas anodin, ce n’est pas par hasard. Ceux qui filment ces images le font par propagande pour faire peur au public, pour avertir quiconque oserait critiquer les Imbonerakure pour les violations massives des droits de l’homme dont ils sont responsables. Nous demandons que les autorités conduisent une enquête crédible et objective pour identifier les auteurs de ces faits et les traduire en justice pour qu’ils soient condamnés de façon exemplaire. Faute de quoi, ces actes qui sont répandus pourront s’institutionnaliser sur l’ensemble du territoire. Ce qui nous étonne est que, c’est la réaction du ministère de l’Intérieur qui disait que cette personne-là a été appréhendée en train de consommer des stupéfiants. Ceci nous renvoie à une série de discours avancés notamment par le porte-parole de ce ministère qui, chaque fois, essaie de divertir l’opinion en transformant les bourreaux en victimes et les victimes en bourreaux ».

Ces faits sont loin d’étonner Vital Nshimirimana. Le délégué général du FORSC indique que le procédé est classique. Selon lui, les Imbonerakure, avant de tuer, feraient toujours croire à leur victime à une sorte de justice à l’issue de laquelle elle ne mérite que la mort.

Sur le compte Twitter du ministère en charge de la sécurité, l’on indique que les 5 individus accusés d’être à l’origine des lésions corporelles de cet homme ont été appréhendés, et que les enquêtes sont en cours.

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