L’inquiétude plane dans les familles qui visitent les leurs au cachot du commissariat de la police à Rumonge. Ils fustigent les conditions de vie dans cette maison de détention en raison du surnombre des prisonniers. ACAT Burundi demande au gouvernement de prendre des mesures de désengorgement des prisons.
Des sources policières confirment ces informations en rapport avec les inquiétudes de ces familles. Et il y a de quoi, avec une centaine de détenus, dont 11 femmes et trois enfants mineurs, pour un cachot dont la capacité ne devrait pas dépasser 30 personnes. Certains ont été arrêtés par le Service national de renseignement, d’autres appréhendés par des officiers de la police judiciaire.
Les proches des détenus disent que cette surpopulation carcérale est liée au fait qu’ils ne sont pas auditionnés dans les délais prévus par la loi. Seuls ceux qui corrompent les officiers de la police judiciaire sont programmés pour comparaitre.
« Pour pouvoir comparaitre devant le ministre public, on doit verser des pots-de-vin aux officiers de la police judiciaire. Et c’est exactement ce qu’on a dû faire, car nous avons donné de l’argent à l’OPJ pour qu’il puisse suivre le dossier de quelqu’un de notre famille », témoigne un proche d’un détenu.
Une inquiétude d’autant plus justifiée que ce cachot du commissariat de la police n’est même pas approvisionné en eau potable. Les familles des détenus craignent que les leurs n’attrapent des maladies des mains sales.
« C’est alarmant, les détenus nous disent qu’ils n’ont pas d’eau pour boire ou se laver. Quels que soient les chefs d’accusation, ils méritent un traitement humain dans une maison de détention », s’indigne ce père dont le fils est détenu dans ce cachot depuis près d’un mois et demi.
Pour pouvoir dormir, ces détenus du cachot de la police judiciaire de Rumonge doivent procéder à des rotations pendant la nuit, comme ils l’ont précisé à leurs familles.
La rédaction de la radio Inzamba a tenté de joindre par téléphone Melchior Hakizimana, le commissaire provincial de la police à Rumonge, mais en vain.
La situation est si grave que l’Etat n’arrive plus à nourrir les détenus
De son côté, l’Association chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT) explique le surnombre des détenus dans les prisons par un système carrément institutionnalisé de pots-de-vin donnés aux policiers pour emprisonner illégalement des personnes. Jean-Claude Ntiburumusi, chargé des questions juridiques à l’ACAT Burundi, indique que même le gouvernement burundais n’est plus capable de nourrir les détenus suite au surnombre. Il exhorte le ministre de la Justice à prendre des dispositions nécessaires pour désengorger les prisons.
« Les conditions de détention au Burundi sont horribles où le surnombre des détenus est récurrent dans les cachots et dans les prisons. Les conditions observées au commissariat de Rumonge sont semblables à celles observées dans d’autres cachots. Il n’y a pas de doute que la corruption est derrière cette situation. Normalement, la garde à vue à la police judiciaire, telle que définie à l’article 33 du code de procédure pénale, ne peut pas dépasser 7 jours sauf prorogation décidée par le ministère public, et celle-ci ne peut pas aller au-delà de 14 jours. Ensuite le ministère public a le rôle de veiller au respect de la légalité, lorsqu’il y a des gens qui sont détenus dans les cachots de son ressort. Mais apparemment celui-ci ne joue pas correctement son rôle. Malheureusement même les prisons connaissent une situation de surpopulation carcérale. En ce moment, le gouvernement n’arrive même pas à honorer ses devoirs. La famine fait rage dans les prisons. Des semaines peuvent s’écouler sans qu’il y ait distributions des vivres. Nous demandons au ministère de la Justice de prendre des mesures concrètes en vue de désengorger les prisons, et décourager cette mauvaise pratique de faire recours à l’emprisonnement pour toute affaire soumise à l’officier de police judiciaire, et que soient emprisonnées uniquement les personnes qui remplissent les conditions prévues par le code de procédure pénale », plaide Jean-Claude Ntiburumusi, chargé des questions juridiques à l’ACAT Burundi.