Droits de l'Homme

Silence ! On tue !

Publié le 6 novembre 2021 par Rédaction

La population se fait décimer au quotidien sans que les autorités ne pipent mot. La découverte de corps sans vie est devenue le lot quotidien de la population dans différents coins du pays. Mais plus que l’insécurité, le mutisme de l’administration et du sommet de l’Etat est encore plus alarmant. C’est l’objet de l’éditorial de la rédaction de la radio Inzamba ce vendredi 5 novembre 2021.

 

La sécurité se détériore de plus en plus ces derniers jours dans différentes localités du pays, particulièrement dans les provinces de Cibitoke et Bururi. Aucun jour ne passe sans que des corps sans vie soient découverts. Des personnes assassinées, mais dont les meurtriers ne sont pratiquement jamais identifiés. Surtout que l’administration s’empresse aussitôt de les faire enterrer, sans aucune enquête préalable.

Le plus inquiétant : malgré ces découvertes macabres quotidiennes, c’est le silence, tant de la population que des autorités. Mais qui ne comprendrait pas le mutisme de cette population qui vit sous la terreur, qui ne peut pas se permettre de hausser le ton, de peur de se voir prise pour cible, plus qu’elle ne l’était déjà ? Par ailleurs, le simple fait de montrer l’endroit où se trouvent les corps, peut vous valoir d’être taxé d’être l’auteur du meurtre.

Mais qu’est-ce qui peut empêcher les administratifs, eux, d’en parler ? Pourquoi se terrer dans ce silence si assourdissant ? Est-ce pour couvrir les assassins ? Ou est-ce pour obéir aux ordres venus d’en haut ?

Plus de dix personnes tuées dans un laps d’une seule semaine dans une province, et les autorités restent cois. Une attitude pour le moins honteuse au 21ème siècle où il n’y a plus de secret.

Ailleurs, quand une et une seule personne est tuée, ce sont toutes les autorités, à commencer par le Chef de l’Etat, qui se lèvent pour condamner l’assassinat, apaiser la population et, ensuite, traquer les meurtriers qui sont aussitôt traduits en justice et condamnés, et tout le monde prend ainsi conscience que l’acte de tuer est un crime qui ne reste pas impuni.

Au Burundi, depuis que ces découvertes macabres se sont décuplées en province Cibitoke, le gouverneur provincial n’a jamais rien dit à ce sujet comme s’il ignore ce qui est en train de se passer chez lui, ou simplement, comme si cela ne le concerne pas.

Et c’est une même attitude qui s’observe chez d’autres gouverneurs: celui de Bururi aujourd’hui, ou encore celui de Muyinga, lorsque, au cours des mois d’août et septembre derniers, des corps sans vie étaient trouvés chaque jour.

Le ministre en charge de la sécurité, qui, pourtant, s’exprime souvent à travers les médias, n’a jamais condamné ces crimes. Silence radio également chez le président de la République, alors que le même Evariste Ndayishimiye ne cesse de s’empresser d’exprimer ses regrets, lorsque dans d’autres pays, des gens sont tués en masse.

Pourquoi ?

Pourquoi l’impunité reste la règle de la gouvernance au Burundi ?

Eh bien, cela n’a d’autre objectif que de cacher la vérité, pour faire croire aux bailleurs de fonds, qui ont pris des sanctions contre le Burundi, que tout va bien, dans le meilleur des mondes.

Chanter à tout bout de champ que la sécurité est totale au Burundi, alors que les gens passent leur temps à enterrer les leurs, il n’y a rien de plus cynique que de remuer leur plaie de la sorte.

A côté de ceux qui sont tués, il y en a encore plus nombreux qui sont portés disparus, les leurs gardant le faux espoir de les revoir un jour.

Serait-ce alors un mensonge de dire que c’est le pouvoir qui tue, alors qu’il fait tout pour camoufler une réalité qui crève les yeux ?

Et malheureusement ce n’est pas une première au Burundi, que les gouvernants tuent leurs gouvernés.

Depuis l’arrivée du parti CNDD-FDD au pouvoir, des milliers et des milliers de Burundais ont été tués. Souvenez-vous du plan Safisha, les massacres de Muyinga, Gatumba et dans de nombreux autres endroits, où il s’est avéré que le pouvoir était hautement impliqué. Sans ignorer les innombrables personnes tuées ou portées disparues, pour avoir manifesté contre le 3e mandat de Pierre Nkurunziza.

Qui, pour arrêter ces tueries ? Pourquoi ce silence du pouvoir alors qu’il n’en ignore pas les auteurs ? Il est plus que temps que les dirigeants d’aujourd’hui sachent que les temps du maquis sont révolus, et qu’ils doivent protéger toute la population, y compris les opposants.

Et si ce n’est pas le cas, tous ces crimes finiront par tomber sur la tête d’Evariste Ndayishimiye et ses lieutenants. Et, tôt ou tard, ils en répondront, lorsque la justice reprendra ses droits.

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