Gouvernance

Une question sur les prisonniers victimes de l’incendie de la prison de Gitega irrite le Chef de l’Etat

Publié le 30 décembre 2021 par Rédaction

C’est le président de la République en personne qui l’affirme : les prisonniers qui ont péri dans l’incendie qui a ravagé la prison de Gitega ont été dignement enterrés. Evariste Ndayishimiye l’a déclaré ce mercredi, sur un ton pour le moins irrité, dans une conférence publique qu’il a animée à Bujumbura. L’association chrétienne pour l’abolition de la torture au Burundi, elle, se dit surprise par ces propos qu’elle qualifie de mensongers. ACAT Burundi affirme que les prisonniers ont été enterrés pendant la nuit et en l’absence de leurs proches.

« Vous venez juste avec l’esprit de ne dire que du mal du pays. Ils n’ont pas été enterrés, et ci et ça… Comment peux-tu oser tromper le monde ? » C’est Evariste Ndyishimiye, révolté, qui répondait à une question posée par un journaliste, en rapport avec la suite qui a été réservée aux victimes de l’incendie survenu le 7 décembre dernier, à la prison centrale de Gitega.

Le Chef de l’Etat s’en est en effet pris ouvertement à celui qui a posé la question, l’accusant de menteur, car, selon lui, les victimes ont été enterrées au grand jour, et que même une prière en la mémoire des victimes a été organisée.

« Il y a des Burundais qui ne souhaitent jamais le bien pour le Burundi. Vous dites qu’ils ne sont toujours pas enterrés ? Tu veux que je t’embarque pour te montrer où ils sont enterrés ? Tu veux dire que tu n’es  pas au courant ? Je suis sûr  qu’il n’y a aucun Burundais qui n’est pas informé. Même pour preuve, une prière a été organisée. Mais toi tu mens au grand jour. Je crois que vous voulez me tester, croyant que je ne suis pas informé de ce qui se passe dans le pays ! » s’est emporté le Chef de l’Etat.

Des propos qui scandalisent

C’est scandaleux d’entendre le président de la République mentir publiquement, s’indigne l’Association pour l’abolition de la torture au Burundi qui n’a pas tardé à réagir. Pour ACAT Burundi, Evariste Ndayishimiye devrait plutôt aider les proches des victimes à se recueillir devant les corps des leurs. Jean-Claude Ntiburumunsi, chargé du département juridique à ACAT Burundi, rappelle que les corps calcinés ont été enterrés clandestinement pendant la nuit qui a suivi le drame dans un lieu tenu jusque-là secret.

« Le journaliste a eu le courage de poser une question que bon nombre de Burundais se posent. Mais cette attitude du Chef de l’Etat prouve à suffisance que le gouvernement s’accuse de quelque chose. Des informations dignes de foi qu’ACAT Burundi détient, affirment que les prisonniers qui ont péri dans l’incendie ont été enterrés en pleine nuit et sans la présence de leurs proches. Comment peut-il parler d’enterrement digne alors que les familles n’étaient pas autorisées à se recueillir et rendre leur dernier hommage à leurs proches ? » s’interroge, outré, Jean-Claude Ntiburumunsi.

ACAT Burundi continue de réclamer des enquêtes indépendantes sur les circonstances de cet incendie et affirme qu’il est impératif de rendre public les chiffres réels des victimes. Evariste Ndayishimiye a indiqué que le nombre des victimes est de 46 prisonniers. Le jour du drame, le Vice-président Prosper Bazombanza avait, quant à lui, annonçé 38 victimes. Mais des sources indépendantes, dont la ligue des droits de l’homme Iteka, parlent, elles, de près de 350 morts.

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