Un homme originaire du Kenya a été arrêté jeudi à l’aéroport international Jomo Kenyatta, en possession d’une valise contenant deux millions de dollars américains non déclarés. Dans un communiqué, la Banque de Crédit de Bujumbura affirme que ce colis lui appartient, expliquant qu’il s’agit d’un travail de routine, visant à échanger des billets en devises avec un autre pays.
Les douaniers kenyans ont intercepté le voyageur et saisi son colis jeudi. Il a été arrêté parce qu’il était soupçonné de faire partie d’un système de blanchiment d’argent, après avoir omis de déclarer l’argent comme l’exige la loi, lorsque le montant dépasse trois mille dollars, ou l’équivalent.
Selon le communiqué sorti par Lilian Nyawanda, commissaire kényan des douanes et du contrôle des frontières, l’argent a été retenu et l’affaire fait l’objet d’une enquête. Selon toujours les autorités douanières et fiscales du Kenya, le passager est arrivé à l’aéroport Jomo Kenyatta en provenance de Bujumbura.
Après son arrestation, le voyageur a déclaré que l’argent provenait de la Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) et qu’il était destiné à la société Brinks Global Services, au Kenya. Mais après le dédouanement par l’unité des douanes à l’aéroport, le voyageur a ensuite présenté d’autres documents justifiant la présence du même argent, parlant d’exportation pour l’expédition à une autre société, Global Services, basée au Royaume-Uni. Une confusion totale, puisque les documents produits à l’appui de la demande d’exportation étaient différents de ceux présentés à l’entrée dans le pays.
De son côté, à la suite de cet incident, la BCB a rendu public un communiqué jeudi soir, dans lequel elle indique que ce colis saisi lui appartient, et qu’il s’agit d’une activité bancaire de routine. La BCB a expliqué qu’il s’agit de l’exportation des billets en devises, en vue d’alimenter ses comptes pour pouvoir effectuer les différents ordres de paiement des importateurs et divers autres clients. La BCB a clôturé son communiqué en disant que cette opération est régulière, qu’elle est autorisée par la Banque centrale et assurée par une société de renom international.
Et si c’était une tentative de blanchiment d’argent ?
Une somme aussi importante saisie dans les mains d’un passager peut être un cas de blanchiment d’argent. C’est l’avis de Faustin Ndikumana, économiste et président de l’ONG locale Parole et action pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités (PARCEM). Selon lui, cet argent suscite des interrogations, surtout qu’un tel montant est sous la responsabilité d’une personne isolée. Il demande que des enquêtes soient menées. Il craint que cela jette un discrédit sur les banques burundaises.
« Qu’une banque puisse tenir des comptes dans des banques extérieures est tout à fait normal. Qu’il y ait un mouvement de fonds lorsqu’une banque effectue un retrait pour alimenter sa caisse de trésorerie, ça peut être considéré comme normal. Mais la manière dont ce colis était transporté suscite des interrogations à juste titre. Parce que même si de tels cas arrivent, cet argent voyage sous la couverture d’une maison spécialisée ou d’une agence de voyage qui peut assumer le transport de ce colis. Sinon, un tel montant qui peut voyager sous la responsabilité d’un individu isolé douteux, qui ne peut même pas assumer sa responsabilité et qui ne peut pas justifier directement l’origine de ce fonds, suscite des doutes. Et puis on était habitué, pour le cas des banques locales du Burundi qui font des opérations à l’étranger à travers leurs clientèles, qu’elles reçoivent des paiements à partir des exportations effectuées. On était habitué que c’est le mouvement inverse et donc de l’argent qui provenait de l’extérieur pour venir alimenter les caisses ici. Mais sinon quand une telle somme ne peut pas être justifiée immédiatement sous la responsabilité d’un individu, un tel montant qui quitte le territoire national, il faut impérativement une investigation là-dessus. C’est surprenant parce que la BCB est une banque sérieuse, expérimentée en la matière, qui est dirigée par des professionnels. On ne comprend pas comment une telle aventure peut arriver. J’imagine que transporter de l’argent de façon aussi délinquante peut ternir l’image de l’institution et du système financier burundais, tout en interpellant la responsabilité de la BRB de voir comment réguler le système bancaire burundais, parce que certaines banques burundaises commencent à commettre des erreurs atypiques. C’est une affaire à suivre. Encore qu’on peut soupçonner une certaine collusion entre certains hommes d’affaires et d’autres délinquants financiers dans une tentative de blanchir de l’argent et de commencer à collaborer avec des institutions aussi fortes. Mais j’espère que cette situation pourra être clarifiée pour éviter que des soupçons d’un acte malveillant continuent », explique Faustin Ndikumana, président de l’ONG PARCEM.
Photo Illustration : ©The EastAfrican