C’est une question taboue que même les députés n’ont pas le droit d’aborder. Il s’agit des fonds qui rentrent dans les caisses de l’Etat, en provenance des missions de maintien de la paix en Somalie et en Centrafrique. Lors des questions orales à l’hémicycle lundi sur le prochain budget de l’Etat, le ministre des Finances n’a pas voulu répondre aux députés qui ont posé cette question. Une attitude que fustigent les activistes de la bonne gouvernance, qui parlent d’opacité budgétaire nocive au développement du pays.
Lors de cette séance dédiée à l’analyse et l’adoption du projet de loi des finances pour l’exercice 2022-2023, le député Pascal Gikeke a évoqué les fonds générés par les missions de maintien de la paix en Somalie et en Centrafrique, pays où des militaires burundais sont présents.
« Si on évalue des fonds qui devraient provenir de l’AMISOM et de la MINUSCA, les missions de maintien de la paix en Somalie et en Centrafrique, il était prévu 3 milliards de francs burundais, mais quand on vérifie dans la rubrique exécution et réalisation, on trouve qu’il est marqué zéro Franc, alors qu’on sait que ces missions rapportent des fonds dans les caisses de l’Etat. De plus, il y a l’armement militaire en location dans ces missions qui est aussi générateur de revenus. Là aussi c’est de même, on ne voit nulle part des lignes budgétaires en rapport avec cet équipement militaire utilisé dans ces missions de maintien de la paix en somalie et en Centrafrique », s’est étonné l’élu.
Mais la question du député n’a pas trouvé la réponse escomptée. En lieu et place, le ministre des Finances Domitien Ndihokubwayo a indiqué, laconiquement, que le sujet est traité de manière confidentielle, et que le cadre n’est pas approprié pour lui de clarifier l’exécution des fonds en provenance de l’AMISOM et de la MINUSCA.
« Je vous ai dit que je vais vous répondre comme un enfant du Burundi, et que je ne peux pas tout dire, de même que tout ce qu’on est en train de dire ne doit pas parvenir à n’importe qui. Mais celui qui aurait des préoccupations peut nous contacter en privé pour lui donner des éclaircissements qu’il devra lui aussi garder confidentiels», a sèchement répondu le ministre.
Il faut préciser que dans le tableau d’évaluation du budget de l’Etat exercice 2020-2021, l’exécution de ces fonds n’est mentionnée nulle part, d’où les inquiétudes de certains députés. Le nouveau projet de loi des finances a finalement été adopté à 75 pourcent des voix par l’assemblée Nationale.
Contradiction déplorable en le ministre des Finances et le chef de l’Etat
Les propos du ministre des Finances à l’assemblée Nationale dénotent du manque de transparence pourtant découragé par le président de la République dans la gestion de la chose publique. C’est la réaction de l’ONG locale Parole et action pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités, PARCEM. Faustin Ndikumana, président de cette organisation, déplore que le ministre Domitien Ndihokubwayo qualifie de secret à ne pas révéler à l’Assemblée Nationale, les recettes recouvrées dans les missions de maintien de la paix en Somalie et en Centrafrique.
« Lorsque le ministre des Finances dit qu’il y a des recettes qui ne doivent pas être présentées en séance plénière de l’Assemblée nationale, cela relève de l’opacité, de manque de transparence budgétaire, alors que la transparence budgétaire est le pilier fondamental de la bonne gestion budgétaire. Sinon ce serait contradictoire avec le souhait du Chef de l’Etat qui dit qu’il ne faut plus que l’argent du contribuable soit mal géré ou rentre dans les poches de certaines catégories de gens. C’est tout cela qu’il dénonçait. Les deux discours seraient contradictoires de la part de hautes autorités d’un même gouvernement. A la limite on peut comprendre, si le ministre de la Défense dit que certains achats d’armes ne sont pas révélés au public, parce qu’il y a des achats d’armes pour la sécurité de l’intégrité nationale. Mais au niveau des recettes qui rentrent dans le trésor public, comment est-ce que cela relèverait de l’opacité ? Personnellement je m’inscris en faux contre cette pratique. Il est nécessaire de bouger les lignes au niveau des mentalités. Sinon le Burundi reste un pays considéré comme un pays qui gère mal l’argent du contribuable. Ce qui constitue une entrave même à ceux qui voudraient venir investir dans notre pays », fait remarquer Faustin Ndikumana, président de la PARCEM.
Photo Illustration : Le parlement burundais ©AFP – Onesphore NIBIGIRA