Des Burundais vivant au Sud Soudan tirent la sonnette d’alarme pour dénoncer le mauvais traitement qu’ils subissent de la part de certaines autorités de ce pays, en complicité avec la représentation de la diaspora burundaise. Ces Burundais font partie de plus de 4 000 burundais qui se trouvent au Sud Soudan à la quête de l’emploi. Leurs documents de voyage ont été saisis dès leur arrivée à l’aéroport de Juba. Le représentant de la diaspora burundaise, de son côté, indique qu’une bonne partie de ces Burundais n’a pas pu récupérer le passeport parce qu’ils n’ont pas pu s’acquitter de toutes leurs obligations dans ce pays.
Des actes de harcèlement de la police sont à la base des mécontentements exprimés par des Burundais qui se rendent au Sud Soudan avec l’espoir de trouver un bon emploi. Cela fait plus d’une année qu’ils sont dans ce pays, via l’aéroport de Juba. Les Burundais victimes de ces ennuis policiers dénoncent le rôle de la représentation de la diaspora burundaise pour faire traquer leurs propres compatriotes, en complicité avec les services de renseignement sud soudanais.
« Dès l’arrivée à l’aéroport, on devait présenter les documents de voyage et une somme de 100 dollars : 50 pour le visa à les 50 autres pour le test Covid. Ensuite ils visent dans votre passeport le visa d’entrée au Soudan. Mais cela n’a pas continué ainsi, se plaint l’un d’eux. Il y a des Burundais, leur chef s’appelle Aladin, c’est lui qui représente la diaspora burundaise ici, il est allé à l’aéroport pour demander de ne plus servir les Burundais en son absence. Les services de l’aéroport soudanais ont suivi sa directive. Depuis, vous attendez qu’on vous accorde le visa, mais en vain. Tous les documents des Burundais étaient mis de côté et on nous ordonnait de partir pour revenir le lendemain, arguant que les heures de service sont bouclées. Le lendemain, on nous a demandé de revenir avec nos représentants ici au Sud Soudan. Et c’est Aladin qui nous représentait. Mais les choses ne se sont pas arrangées, au contraire, et certains ont décidé de laisser tomber et d’abandonner leurs passeports à cause de toutes ces tracasseries », explique celui qui affirme être dans cette situation de détresse.
Ce dernier fait parti de nombreux autres dont les documents de voyage ont été confisqués dès leur arrivée à l’aéroport de Juba.
Contacté par téléphone par la rédaction Inzamba Agateka Kawe, le représentant de la diaspora burundaise dans ce pays a, d’emblée, accepté de s’exprimer. Aladin Niyibizi indique qu’il a été convoqué pour sensibiliser les Burundais concernés, afin qu’ils aillent récupérer leurs documents, moyennant versement des frais de visa.
« Le problème est que, dans la plupart des cas, leur vol arrivait à l’aéroport pendant la nuit et cela posait des problèmes, parce que les services de l’immigration ne travaillent pas dans la soirée pour cause de délestage. On leur demandait de partir et de revenir le lendemain pour récupérer leurs documents, et surtout pour ceux qui n’avaient pas encore payé. Alors beaucoup parmi eux préféraient abandonner leur passeport. Les cas sont devenus nombreux passant de 10, 20, 30, etc., clarifie Aladin. Et plus tard, après avoir constaté plusieurs irrégularités, le gouvernement soudanais, via ses services de renseignement, m’a appelé parce qu’ils avaient des questions à me poser. J’ai répondu à l’invitation et c’est là où j’ai été informé de ces problèmes des Burundais. Ils ont constaté que de toutes les personnes qui entrent au Sud Soudan, seuls les Burundais étaient concernés. C’est donc pour lever ces suspicions qu’on m’a convoqué pour me dire comment les autorités comptent gérer cette situation », a poursuivi le représentant de la diaspora au Sud Soudan.
Pendant donc une année, les arriérés des frais de visa se sont accumulés pour ces Burundais en quête d’emploi dans ce pays, dont la plupart travaillent dans des champs, dans le transport de taxis-motos ou dans des ateliers de couture.
Du rêve au cauchemar
Ils y sont allés à la quête de meilleures conditions de vie, mais leur situation se détériore de jour en jour dans ce pays. Ils sont traités comme des irréguliers pour cause des arriérés d’impayés de visa. Le service des renseignements sud-soudanais les traque. Quand ils sont arrêtés, ils sont obligés de verser plus de 200 dollars américains pour sortir de prison et récupérer leurs passeports, mais sans visa de séjour. La question dépasse les responsables de la diaspora burundaise dans ce pays. Les choses sont d’autant plus compliquées que le Burundi n’a pas de représentation diplomatique au Sud-Soudan.
Des sources sur place précisent que ces Burundais sont, pour la plupart, originaires des provinces de Rumonge et Cibitoke. Partis pour gagner « beaucoup d’argent », ils ont vite déchanté. Selon certains, le peu de revenus qu’ils gagnent finissent dans les poches de la police des renseignements qui les traque comme des irréguliers.
« Actuellement ils sont en train d’appréhender des gens, ils les traquent dans les rues pour les mettre en prison. Il y en a un qui a été arrêté ce lundi, il s’appelle Ntirenganya Jean Bosco, mais Dieu merci il a été relâché le lendemain. Mais à cause de la peur, il a aussitôt pris la décision de rentrer au pays sans y avoir réfléchi au préalable. Parce que dans le cachot, on l’a beaucoup menacé et a accepté de verser un peu d’argent, promettant de payer le reste plus tard. Mais il a pris la route pour rentrer au Burundi, on ne sait pas s’il va arriver indemne », s’inquiète un autre Burundais qui vit dans les mêmes conditions. « Alors, poursuit-il, les autres, qui sont dans ces conditions, sont en train de verser 210 dollars, sans compter les amendes. Ce qui nous fait encore mal, c’est que même si vous payez ces 210 dollars, on vous donne votre passeport, mais sans visa. Il y a un jeune homme, originaire de Cibitoke, il vit en clandestinité depuis une semaine, parce que son laissez-passer a expiré. Il n’a rien, pas de travail, pas de famille, il a peur d’être arrêté et de se faire torturer, comme on le fait aussi pour d’autres. C’est vraiment très triste, ce qui nous arrive ici au Sud Soudan », se lamente-il.
Ces Burundais n’ont aucune voie de recours dans ce pays qui n’a pas de représentation diplomatique burundaise. Seule donc la diaspora burundaise peut apporter son soutien, mais sa marge de manœuvre est très limitée, selon Aladin Niyibizi, représentant des Burundais.
« J’ai répondu à leur convocation, ils m’ont demandé où sont localisés les Burundais, ce qu’ils font comme travail, j’ai répondu à leurs questions et ils ont par la suite amené la question des passeports. Ici ils avaient l’intention de les renvoyer au Burundi, et ils m’ont suggéré de communiquer avec l’ambassade, mais nous n’avons pas de bureau ici, nous dépendons directement de l’ambassade d’Ethiopie, mais ce n’est pas officiel. Alors en peu de mot, c’est à notre niveau, dans ce cadre de la diaspora, que nous sommes sollicités », se résigne Aladin. « Et j’ai essayé de contacter le 1er conseiller d’ambassade en Ethiopie, je lui ai exposé le problème et il m’a répondu que la question des irréguliers ne devraient pas me concerner, que je devrais m’occuper uniquement de ceux qui sont en ordre. Mais puisqu’on m’avait annoncé qu’ils projettent de renvoyer ces passeports au Burundi, je me suis dit que ces gens risquent gros, pour n’avoir pas été informés, surtout que beaucoup d’entre eux ne peuvent pas réaliser les conséquences que cela peut avoir sur eux. Et il a fallu que j’aille négocier avec eux ».
La situation difficile de ces Burundais a été soumise à l’ambassade du Burundi en Ethiopie qui couvre aussi le Sud Soudan. La rédaction a cherché à cet effet la réaction de l’ambassadeur Willy Nyamitwe, mais il a répondu, par message, qu’il ne pouvait pas s’exprimer sur la radio Inzamba Agateka Kawe.
Photo Illustration : ©Xinhua/Gale Julius