Il a été torturé à mort par la police tanzanienne ce mardi. Il s’agit de Jean-Bosco Barankunda, un réfugié burundais du camp de Nduta. Il tentait de traverser la frontière vers le Kenya, à la quête d’un autre pays d’exil. La victime était accompagnée de sa famille. Ses proches affirment que la famille a d’abord été dépouillée de ses biens. Le HCR est enfin intervenu ce vendredi pour transporter la dépouille à Nduta.
C’est dans la ville de Mwanza, en direction de la frontière kényane, que la police tanzanienne a arrêté Jean-Bosco Barankunda, en compagnie de sa famille. Les policiers ont d’abord dépouillé la famille de ses biens, avant de passer à tabac le père en voulant lui prendre de force tout son argent de poche, dans une séance d’interrogatoire musclé. Des sources proches de sa famille affirment que la victime a finalement succombé à la torture.
« Jean-Bosco Barankunda essayait de fuir la Tanzanie vers le Kenya, comme beaucoup d’autres réfugiés qui fuient la persécution ici dans les camps de réfugiés burundais. Lui n’a pas eu la chance de franchir la frontière parce qu’il a été arrêté dans la ville de Mwanza par la police tanzanienne qui l’a torturé à mort », témoigne un proche du défunt.
La famille de Jean-Bosco Barankunda est une des familles des Burundais qui fuient ce pays à cause des mauvais traitements qu’ils ont toujours dénoncés, y compris les manœuvres d’un rapatriement forcé par les autorités tanzaniennes. Les réfugiés burundais réclament d’être traités dans la dignité.
« Nous demandons au gouvernement tanzanien de nous laisser tranquilles, si quelqu’un prend une décision de partir, de le laisser s’en aller. Ils nous disent d’aller au Burundi, si une personne a peur de retourner, qu’ils la laissent aller ailleurs pour qu’elle y vive tranquillement », demande le proche de Jean-Bosco.
Jean-Bosco Barankunda était chargé de la coordination de l’éducation au camp des réfugiés de Nduta. Son corps est toujours à la morgue de l’hôpital de Mwanza, selon toujours les sources proches de sa famille.
Le calvaire de la famille du défunt pour déplacer la dépouille
Le corps de Jean-Bosco Barankunda venait de passer 3 jours dans la morgue de l’hôpital de Mwanza, depuis que cet homme avait succombé mardi à la torture lui infligée par des policiers tanzaniens. Sa famille, déjà en grande douleur, s’était heurtée au refus de la même police tanzanienne de collaborer dans le transport de son corps jusqu’au camp de Nduta, pour un enterrement digne.
« La famille de Jean-Bosco a été informée que la police de Mwanza n’a pas de carburant pour transporter le corps jusqu’au camp. Nous demandons au HCR de s’impliquer pour amener le corps et la famille, qui est toujours à Mwanza et qui a été dépouillée de tout, pour l’enterrement du défunt », avait alors plaidé un proche de la famille.
Depuis quelques années, diverses organisations de défense des droits humains, voire politiques, ne cessent de dénoncer les mauvais traitements dont les réfugiés burundais sont victimes en Tanzanie.
Les défenseurs des droits humains réclament des poursuites contre les auteurs du crime
Le gouvernement tanzanien doit établir les responsabilités et punir les auteurs de ce crime. L’appel est de Me Janvier Bigirimana, juriste et défenseur des droits de l’homme. Il appelle le gouvernement tanzanien à respecter ses engagements à protéger les réfugiés.
«Notre première réaction est de condamner vigoureusement ce comportement criminel de la police tanzanienne, parce qu’elle est sensée protéger les réfugiés burundais qui sont en Tanzanie. Mais leur rôle est devenu celui d’assassiner un réfugié pour défaut de paiement de rançon, ce qui est gravissime. Un autre élément à souligner est que la Tanzanie, en tant que pays hôte est obligée, internationalement, de protéger tous les réfugiés qui sont sur son sol. Mais ce que leur font les autorités tanzaniennes est totalement contraire à la législation internationale en rapport avec la protection des droits des réfugiés, plus particulièrement la Convention de Genève de 1951, qui précise que tous les réfugiés qui sont dans un autre Etat doivent être protégés dans leur dignité, dans leur intégrité physique », rappelle ce défenseur des droits de l’homme.
Pour Me Janvier Bigirimana, « ce que font les autorités tanzaniennes est condamnable à plus d’un titre, et nous savons que les réfugiés burundais qui sont en Tanzanie sont souvent malmenés. L’exemple est que ce réfugié qui a été assassiné par la police tanzanienne était en train de fuir la répression qu’il subissait sur le sol tanzanien comme la plupart d’autres citoyens burundais. Nous demandons à ces autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des investigations indépendantes soient menées et que les coupables soient condamnés conformément à la loi, tandis que le droit international doit être appliqué pour protéger les réfugiés burundais qui se trouvent sur le sol tanzanien ».
Il prévient les autorités tanzaniennes qu’elles devront en répondre devant la communauté internationale : »En dernier lieu, en agissant comme elles le font, les autorités tanzaniennes sont en train d’engager la responsabilité de la Tanzanie devant la communauté internationale, devant notamment les instances internationales de protection des droits humains. Raison pour laquelle nous pensons que la Tanzanie n’a aucun intérêt à ce que sa responsabilité internationale soit engagée vis-à-vis des violations récurrentes qu’elle commet à l’endroit des réfugiés burundais qui se trouvent sur son sol ».
« Le gouvernement tanzanien a le devoir de prendre cette question en mains »
Frédéric Bamvuginyumvira, président de la coalition burundaise des forces de l’opposition pour le renforcement de l’accord d’Arusha, CFOR-Arusha, dit que les autorités tanzaniennes auraient dû s’occuper de cette affaire. Selon lui, un réfugié burundais a bien le droit de se rendre dans un autre pays.
« Je pense que quand il y a un mort dans de telles circonstances, on ne peut pas demander à la famille de cotiser pour qu’il soit enterré. D’abord ce sont des réfugiés, et à priori, ils n’ont pas d’argent. De deux, le rôle de la police, c’est la sécurité publique et quand il y a un cadavre, l’enterrer c’est aussi répondre au souci de la sécurité publique. Comment est-il possible de procéder de la manière ? », s’interroge le leader de la CFOR-Arusha.
L’ancien Vice-président de la République met le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés devant ses responsabilités et appelle les autorités tanzaniennes à plus d’humanité : »Je demande aux Burundais d’écrire officiellement au responsable du HCR et lui décrire les faits. C’est un réfugié tué par la police. Certes c’est un cas, mais un cas révélateur, qui prouve qu’il y a un problème de fond entre les réfugiés et la police tanzanienne et l’autorité tanzanienne. On demande aux autorités tanzaniennes de faire cesser ce comportement envers les réfugiés. On ne naît pas réfugié, on le devient, et on ne le désire pas. On le devient parce qu’il y a une mauvaise gestion politique dans le pays d’origine. L’on ne sait pas si la Tanzanie restera toujours stable, parce que les pays stables peuvent aussi être déstabilisés à un moment donné. C’est une expérience que nous vivons aujourd’hui au Burundi. Autrement dit, nous demandons aux dirigeants tanzaniens de rester des humains et de demander à la police de se montrer humaine, et répondre aux sollicitations des Burundais qui sont là-bas ».
Des appels qui semblent avoir été entendus, puisque le HCR a organisé ce vendredi le transport de la dépouille ainsi que l’enterrement au camp de Nduta.